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Mirabeau répondait : « Mais, dites-vous, sous prétexte de religion, on prêchera des dogmes nuisibles, destructifs de la société, contraires à la saine morale ? Jamais là où plusieurs religions se surveillent ; toutes s’épurent. Ce sont des rivales qui ne se pardonnent rien. On ne peut craindre la corruption que d’une religion dominante qui n’a rien à redouter ; on ne peut prêcher des doctrines licencieuses qu’en secret ; elles n’oseront jamais affronter la censure du public. Pour rendre les mystères de la bonne déesse innocens, il n’eût fallu que détruire le mystère et déchirer le voile qui les dérobait à l’inspection sévère de la société. »

Quelque vraies et profondes que soient ces paroles, la liberté peut s’appuyer encore sur d’autres considérations. Remarquons d’abord que dans le culte proprement dit ne sont compris ni les écrits, ni les croyances, ni les doctrines ou les dogmes, ni les liens de communauté purement spirituelle qui peuvent réunir plusieurs hommes dans une même foi. Ce qui constitue exclusivement le culte, considéré distinctement, se renferme dans un cercle limité et n’embrasse que les actes extérieurs : la prière en commun, la prédication, les cérémonies religieuses. Or, déclarer ces actes libres, ce n’est nullement leur promettre l’impunité, si l’ordre général et les lois en reçoivent quelque atteinte. Les offenses aux bonnes mœurs, les attaques contre le gouvernement, tous les crimes et délits du droit commun, en un mot, seront punis en vertu du code pénal et de la législation qui concerne les divers modes de publication. Le fait ou le prétexte de religion, au lieu de les excuser, les exposera à une répression plus rigoureuse.

Cependant, nous en convenons, un régime étroit et sévère, qui assimilerait le culte aux réunions ordinaires, ne répondrait pas suffisamment aux nobles besoins qui rassemblent les hommes pour adresser à Dieu leurs hommages et leurs prières. Si la liberté des cultes était reconnue et mise en pratique, elle aurait pour conséquences quelques immunités nécessaires. C’est dans cette pensée que la loi sur les clubs du 28 juillet 1848 avait placé en dehors de ses prescriptions les réunions consacrées au culte. Ces réunions devraient non-seulement être permises, mais encore jouir de la faveur de l’autorité. Les cérémonies religieuses devraient être protégées contre le trouble et l’outrage. Ce sont ces avantages particuliers qui soulèvent les plus vives objections. Suffira-t-il donc, dit-on, d’alléguer qu’on pratique un culte pour échapper aux lois sur les associations, pour mettre le ministère public en demeure de provoquer la punition des insultes faites aux ministres de ce culte prétendu ? Non, sans doute, cette allégation ne suffira pas. C’est pour le culte vrai, sincère, et non pour la turbulence, la sédition ou la débauche qui en prendraient l’enseigne, que la liberté est réclamée, et la société ne serait pas désarmée à l’égard des fauteurs de tels désordres.

D’abord, les faveurs exceptionnelles accordées aux cultes commanderaient