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obstacles sans fin aux moyens de conciliation, elle serait un défi et une menace aux états du sud. Les militaires d’ailleurs, excellens pour la répression ou la promptitude d’exécution, ne valent rien toutes les fois qu’il s’agit de louvoyer, de céder et de retenir en même temps, de prendre des moyens-termes. On se rappelle combien l’entêtement et l’opiniâtreté du général Taylor ont fait courir de risques au compromis d’Henri Clay. Il en serait probablement de même avec le général Scott. Un personnage civil, M. Daniel Webster un M. Millard Fillmore, était l’homme désirable : il est à souhaiter que le parti whig revienne sur sa première décision et choisisse un nouveau candidat.

Nous sommes depuis long-temps habitués à lire les récits des catastrophes dramatiques qui arrivent aux États-Unis ; mais depuis quelques semaines on les voit tellement se multiplier, que, même à la distance où nous sommes de l’Amérique, nous ne pouvons nous empêcher de sympathiser avec les victimes et de déclarer que cette multiplicité de malheurs devient un véritable scandale. Pour peu que cela continue, l’imprudence des Américains engendrera plus de désastres que ne pourrait le faire un fléau naturel, le choléra, la peste ou la famine. Il n’est pas permis de se jouer ainsi de la vie des hommes pour satisfaire une vanité industrielle, soutenir une concurrence et remporter, le prix dans la course au clocher de l’activité moderne. Nous voyons avec plaisir que le congrès s’occupe de présenter des règlemens pour la navigation à vapeur, et de prendre des mesures énergiques pour prévenir les accidens nombreux qui ont lieu depuis trop long-temps. Nous le féliciterons beaucoup moins à l’endroit de sa conduite envers les malheureux Indiens exténués par la famine et la maladie. Une somme de 200,000 francs environ avait été réclamée pour venir en aide à ces infortunés ; il s’est trouvé au congrès une majorité pour rejeter cette somme insignifiante. Les Américains sont très économes, comme chacun sait ; mais, au lieu d’employer tant de millions de dollars à festoyer M. Kossuth, ils feraient bien de venir un peu en aide à leurs malheureux sujets, d’autant plus qu’ils n’ont guère eu à se louer du dictateur hongrois, dont les derniers procédés sont inqualifiables. M. Kossuth, portant dans un pays libre, où tout se passe au grand soleil, ses habitudes de conspirateur, s’est permis d’écrire une circulaire secrète à l’usage des Allemands qui habitent l’Union : « Vous êtes une force dans l’Union, leur disait-il ; comptez-vous, convoquez un meeting, et obligez les candidats à la présidence de prendre des engagemens formels en faveur de l’intervention, » c’est-à-dire de ma propre cause. M. Kossuth ne jouait rien moins, comme on le voit, qu’un rôle de séditieux dans un pays où il a reçu l’hospitalité que chacun sait ; rarement proscrit s’est rendu coupable d’un fait plus déloyal. Le gouvernement a eu vent de cette circulaire, et M. Kossuth s’est empressé de fuir secrètement sous le nom de M. Alexandre Smith. Le châtiment ne s’est pas fait attendre. Il y a eu au congrès plusieurs discussions très vives au sujet de M. Kossuth ; quelques-uns de ses membres ont même beaucoup regretté l’argent dépensé par l’état pour la réception de l’orateur hongrois. Que ces gens économes gardent donc à l’avenir leurs dollars pour une meilleure cause, et que ces républicains qui voient partout des Washington apprennent que dans notre