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dans tous les temps de profondes commotions morales, c’est à l’enseignement d’abord qu’on demande aujourd’hui le secret des déviations des âmes et des esprits. La première chose qu’on songe à transformer, c’est l’enseignement. De là l’intérêt qui s’attache en général aux matières d’instruction publique ; de là la tendance à rechercher de nouvelles méthodes, de nouveaux procédés. Ce n’est point la première fois que notre attention se porte sur ce point. Le gouvernement actuel a déjà accompli plus d’une réforme dans l’instruction publique. On se souvient en particulier du décret du 10 avril, qui modifiait à beaucoup d’égards l’économie de l’enseignement dans les lycées. Ce décret posait le principe de la séparation des études en créant une division scientifique et une division littéraire. Aujourd’hui, cette pensée est sur le point de recevoir son application et de passer dans la pratique. Le conseil supérieur de l’instruction publique vient de consacrer d’assez nombreuses séances à tracer de nouveaux plans d’études, a formuler des programmes dans l’esprit du décret du 10 avril. Il serait trop long sans doute d’énumérer tous les détails de cette révision presque entière de l’instruction publique en France ; il suffit de dire qu’elle touche tout à la fois à l’enseignement des lycées, à l’enseignement des écoles spéciales, à la constitution de l’École normale, aux conditions exigées pour l’obtention des grades scientifiques et littéraires. Dans ceux de ces changemens qui concernent plus particulièrement les lycées, la commission instituée par le ministre de l’instruction publique ne s’est point montrée insensible aux craintes qu’avaient pu concevoir bien des esprits. On s’était demandé, probablement en dépassant l’idée du gouvernement, si la division des études serait le meilleur moyen de les fortifier respectivement, si cette séparation ne nuirait point d’une égale manière aux sciences et aux lettres. Les nouveaux programmes montrent que cette scission n’est point aussi absolue qu’on l’avait pu craindre au premier abord. Bien mieux, les élèves de la section scientifique ne cessent point pour cela de partager les exercices de la section littéraire, et ces exercices restent communs aux élèves des deux sections. Parmi les modifications dont l’École normale est l’objet, la principale, on le sait, est la suppression du concours d’agrégation. L’École normale a pour mission essentielle désormais de former des professeurs, et rien que des professeurs. Toutes les parties de l’enseignement intérieur de l’école se combinent naturellement dans cette pensée et concourent à développer les qualités nécessaires pour l’exercice pratique du professorat. M. Nisard, dans son rapport au conseil de l’instruction publique, met habilement en lumière ce côté de la réforme actuelle qui seul peut trouver en effet, à un point de vue élevé, une justification facile. N’est-il point évident que toutes les améliorations qu’on peut introduire dans l’instruction publique sont lettre morte sans cette condition supérieure du professeur, du maître qui se dévoue à son œuvre obscure et poursuit sa tâche ingrate en songeant moins à lui-même qu’aux jeunes intelligences qu’il doit diriger et féconder ? Nous n’ignorons point d’ailleurs que bien des professeurs de notre temps pourraient faire à de plus éminens qu’eux la réponse de Figaro, quant à toutes ces qualités d’abnégation, de dévouement et de rectitude pratique qu’on leur demande. Quoi qu’il en soit de ces profonds remaniemens de l’instruction publique dans notre pays, c’est une expérience