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plus salutaire et plus fécond. Et si je préfère Athènes à Florence, ce n’est pas que je conseille à personne l’imitation servile de l’art grec, mais les cavaliers et les canéphores des panathénées nous offrent le type le plus pur du bas-relief, et ce type doit toujours demeurer présent à la mémoire des statuaires, le petit nombre des plans n’est pas pour peu de chose dans l’effet de cette vaste composition, et cette vérité ne doit jamais être perdue de vue.

Cette rapide analyse suffit à montrer tout ce qu’il y a de vraiment grand dans les œuvres de Puget. Si, dans les questions qui se rattachent à l’harmonie linéaire, il n’a pas touché les dernières limites de son art, il est hors de doute qu’il a pris place parmi les hommes les plus éminens, non-seulement de notre pays, mais de l’Europe. Par l’énergie de l’expression, par la vérité de la pantomime, il appartient à la famille des génies privilégiés. L’étude attentive de ce maître démontre sans réplique toute l’insuffisance de l’imitation littérale. Le Milon, l’Andromède et le Diogène nous offrent, en effet, quelque chose de plus que la réalité. Puget ne s’est jamais astreint à copier servilement le modèle, et c’est par son indépendance qu’il domine tous les sculpteurs de son temps. Les Lepautre, les Girardon, les Coyzevos, les Coustou, ne peuvent lui être comparés. Il y a dans son style une hardiesse, une audace qu’ils n’ont jamais connue. Malheureusement ses œuvres ne sont pas comprises par tous ceux qui les vantent ; il m’est arrivé plus d’une fois d’entendre célébrer son mérite par des hommes qui se méprenaient sur la nature de sa méthode et sur la portée de son génie. Ils louaient en lui ce qu’il n’a jamais cherché, ce qu’il n’a jamais voulu, l’imitation littérale de la réalité. Pour sentir toute l’inanité de ces éloges, il suffit de contempler le torse du Milon. Je défie le plus habile de trouver dans la nature vivante le type d’un tel athlète. Il y a dans la division des masses musculaires une grandeur que le modèle n’offrira jamais. Puget, qui n’avait pas eu le temps d’étudier les théories, dont toute la vie s’était passée à manier le ciseau, était arrivé par l’instinct de son génie à deviner les principes les plus élevés de son art. Il ne croyait pas, comme on le répète aujourd’hui à l’envi, que la statuaire se réduise à l’imitation littérale de la forme réelle, et c’est pour avoir compris la nécessité d’interpréter, d’idéaliser le modèle, qu’il a produit le Milon et l’Andromède. À l’âge de soixante et onze ans, il étudiait encore avec persévérance, comme au début de sa vie, et marchait d’un pas ferme vers le but qu’il s’était marqué. Or quel était ce but ? A coup sûr, ce n’était pas de reproduire dans le marbre, dans la pierre ou le bois tout ce qu’il voyait, mais de choisir dans chaque figure l’accent de la vie, le signe de la force ou de la grace, et de l’exagérer volontairement, résolument pour le rendre