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Quant aux tableaux peints par Puget, je pense qu’ils n’offrent pas le même intérêt. J’ai vu au musée de Marseille plusieurs morceaux signés de son nom, ou qui du moins sont considérés comme des œuvres très authentiques, et je dois dire que, malgré l’élévation de la pensée, la peinture de Puget est très loin de mériter la même attention que ses œuvres d’architecture et de sculpture. Quoique ses tableaux soient assez nombreux, quoique la Provence les cite comme des modèles accomplis, il est évident que Puget ne possédait pas le maniement du pinceau comme le maniement du ciseau. La peinture, dont il avait fait d’abord sa plus chère étude, n’était pas sa vraie vocation. Avant comme après les leçons de Pietro de Cortone, il n’a jamais composé que des tableaux dont l’intention facile à saisir est très supérieure à l’exécution. Il possédait au plus haut point le sentiment de la forme, de la forme réelle et vivante. Quant au sentiment de la couleur, il ne l’a jamais connu, et je ne songe pas à m’en étonner, car les plus grands artistes dont l’histoire ait gardé le souvenir n’ont pas réussi à pratiquer les trois arts du dessin avec la même pureté. Raphaël, proclamé prince de la peinture, quoiqu’il ne possède ni le savoir du Vinci et de Michel-Ange, ni le coloris de Titien, ni la tendresse d’Allegri, n’occuperait pas dans le passé le rang glorieux que personne, ne songe à lui contester, s’il n’eût jamais conçu que la statue placée à Sainte-Marie-del-Popolo et sculptée par Lorenzetto. Les loges mêmes du Vatican, malgré leur élégance, et c’est de l’architecture seule que j’entends parler, n’auraient pas suffi à perpétuer la durée de son nom. Michel-Ange lui-même, malgré la hardiesse qui signale à l’admiration de tous les esprits éclairés la coupole de Saint-Pierre, n’occupe pas dans l’architecture le même rang que dans la peinture et la statuaire. Faut-il s’étonner que Puget, doué moins richement que Raphaël et Michel-Ange, essayant comme eux de pratiquer les trois arts du dessin, soit demeuré moins grand dans la peinture que dans l’architecture, et surtout que dans la statuaire ?

Pour le comprendre pleinement, pour savoir ce qu’il vaut, il suffit d’étudier les œuvres que nous possédons à Paris. L’analyse de ces œuvres nous donne la mesure de son génie. Envisagées d’après les traditions de l’art grec ; elles donneraient lieu aux plus graves reproches ; envisagées selon la doctrine étroite qui réduit les devoirs de la peinture et de la statuaire à l’imitation littérale de la réalité, elles obtiendraient des louanges sans restriction et pourtant peu méritées. Je tâcherai, en examinant le Milon, l’Andromède et le Diogène, d’éviter ce double écueil ; j’essaierai de marquer en termes précis combien la vérité domine la réalité, combien la beauté domine la vérité. Cette double affirmation pourrait paraître stérile, si je négligeais de la développer ;