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chaque jour, comme l’horizon de la classe moyenne. Les ateliers de la France, de l’Angleterre et de la Suisse en fabriquent pour le monde entier. Les statisticiens anglais ont évalué le vide que le frai, les sinistres de mer et l’exportation sans espoir de retour font dans l’approvisionnement en métaux précieux des États-Unis et de l’Europe - à plus de 125 millions de francs par année. Une évaluation plus modérée ramènerait cette perte à 75 millions. Quant aux industries de luxe, les sommes d’or et d’argent qu’elles emploient annuellement sont estimées par M. Jacob à 148 millions de francs, sans y comprendre la consommation de l’Union américaine. M. M’Culloch, qui embrasse les États-Unis dans ses calculs, s’arrête au chiffre de 150 millions. La France employant à elle seule plus de 30 millions, on peut admettre, sans craindre d’exagérer, la somme de 125 millions pour l’or et l’argent appliqués aux usages domestiques. Voilà donc une consommation annuelle de 200 millions à défrayer. La place que prend l’or dans cette absorption des métaux précieux est chaque jour plus importante.

Que reste-t-il aujourd’hui en Europe de la masse énorme de métaux précieux que le Mexique et le Pérou y ont versée pendant trois siècles ? L’or et l’argent qui figurent dans la circulation représentent à peine les quantités que les mines ont produites depuis cinquante ans. Les trente milliards que l’Amérique avait envoyés à l’Europe, depuis la conquête espagnole jusqu’au commencement du XIXe siècle, ont à peu près entièrement disparu. On dirait que l’industrie, en touchant à l’or et à l’argent, les volatilise. La France convertit en monnaie une grande quantité de métaux précieux ; mais l’or monnayé n’y séjourne pas, et l’exportation tend constamment à l’expulser du territoire. Ainsi, de 1840 à 1852, en douze années, nous avons importé 123,012 kilogrammes d’or, et nous en avons exporté 71,217 : différence en faveur de l’importation, 52,595 kilogrammes, soit 181,138,000 francs, lesquels donnent une moyenne de 15 millions de francs par année. La bijouterie, l’orfèvrerie et la dorure emploient annuellement en France des quantités d’or qui excèdent cette somme : l’excédant est pris sur la réserve monétaire, et c’est ce qui explique la prime dont l’or jouit sur notre marché. La moyenne se réduirait de plus de moitié, s’il fallait en déduire l’année 1851, pendant laquelle l’importation a dépassé l’exportation de 34,503 kilogrammes ; mais les résultats de 1851 peuvent passer pour un phénomène exceptionnel. Déjà même il doit nous en rester peu de chose. L’or émigré de notre marché sur le marché de Londres. La Banque de France, dont l’encaisse métallique comprenait en 1851 environ 100 millions de francs en or, n’en compte plus que 15 à 20 millions. La monnaie d’or, qui est encore assez commune à Paris, ne se rencontre presque pas en province.