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LES NOIRS LIBRES


ET LES NOIRS ESCLAVES


AUX ANTILLES, AUX ÉTATS-UNIS ET A LIBÉRIA.




Lorsqu’en 1787 Wilberforce fit dans le parlement britannique sa première motion pour l’abolition de la traite des noirs, il rencontra en face de lui l’opposition de tous les hommes quelque peu soucieux des intérêts commerciaux de l’Angleterre. Il ne se découragea pas cependant, il redoubla d’efforts, et aujourd’hui la question de la traite a pris place, avec celle de l’émancipation des noirs, parmi les plus graves qui s’imposent à la sollicitude des pays civilisés. Quel que puisse être toutefois le succès des mesures prises pour arriver à la suppression de la traite, ce n’est point sur cette face du redoutable problème posé par Wilberforce aux économistes et aux hommes d’état des deux mondes que notre attention voudrait se porter aujourd’hui. Sans nous préoccuper ici de la répression plus ou moins complète du trafic des esclaves, il nous paraît intéressant d’examiner où en sont les tentatives d’émancipation, où en est le travail des noirs, soit dans les pays où l’esclavage dure encore, soit dans ceux où il a été brusquement supprimé. Ce n’est pas le tout d’avoir rendu la liberté à des populations esclaves : qu’y a-t-il à faire pour elles et pour les nations émancipatrices? C’est là une question nouvelle, non moins importante que la première, et dont cette étude a pour but de montrer les difficultés.

Le bill d’émancipation a été adopté en 1833 par les deux chambres du parlement d’Angleterre. Le terme de l’esclavage a été fixé pour les colonies anglaises au 1er août 1848; huit cent mille esclaves devaient profiter de la mesure, et une indemnité de 20 millions de livres sterling était allouée aux propriétaires dépossédés. Le bill a reçu sa pleine exécution, et l’expérience tentée par l’Angleterre compte dès ce moment dix-huit ans de date. En 1848,