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sterling et 2 sh. l’once. Ce prix élevé s’explique par les besoins du continent européen. L’Europe renferme deux cents millions d’habitans, dont à peine la moitié est suffisamment pourvue de monnaie métallique. Il faudrait certainement une addition de plusieurs milliards de francs aux quantités qui circulent parmi les nations civilisées pour mettre chez la plupart d’entre elles l’instrument des échanges au niveau du rôle qu’il remplit en France, en Belgique, en Suisse, en Hollande et dans le royaume-uni. Nous savons que les peuples industrieux ont seuls besoin de beaucoup d’or et d’argent, parce qu’ils font seuls beaucoup d’affaires. L’abondance de la production précède et sollicite celle de la monnaie. La richesse doit exister dans un état avant le signe qui la manifeste et qui la rend disponible ; mais on ne peut nier en même temps que la circulation des métaux précieux ne stimule à un haut degré la création des richesses : elle agit comme les moyens de transport qui, en ouvrant des débouchés et en étendant le rayon de la vente, donnent de la valeur aux produits. La moitié de l’Europe n’a qu’un commerce sans importance et ne tire qu’un faible parti des ressources que lui offre le sol ; elle n’a ni industrie ni crédit. L’or et l’argent sont remplacés, dans ces contrées à demi civilisées, par un papier-monnaie souvent discrédité et sans valeur, en tout cas, au-delà de la frontière.

L’Autriche vient de conclure, partie à Francfort et partie à Londres, un emprunt de 3 millions et demi de livres sterling, qui est principalement destiné à relever le papier-monnaie du discrédit dans lequel il était tombé, en donnant les moyens de reprendre les paiemens en espèces. Ce sera le premier pas vers la restauration de la monnaie métallique, qui avait disparu à ce point de la circulation que l’on divisait en quatre les coupures inférieures des papiers de banque pour en faire des appoints. La Prusse, la Pologne, la Russie et la Turquie éprouvent à divers degrés les mêmes embarras que l’Autriche. Avant d’avoir saturé tous ces marchés affamés d’or et d’argent, il faudra que les trésors de la Sibérie, de l’Australie et des deux Amériques s’épanchent pendant bien des années sur l’Europe.

La rareté de l’or en avait restreint l’usage, en France notamment, aux coupures d’une valeur assez élevée. Depuis qu’il devient plus commun, on l’a monnayé en pièces de 10 francs, qui sont très recherchées et d’un usage commode. Ces coupures paraissent destinées à remplace une partie de l’argent qui encombre inutilement la circulation. On a calculé que les billets de banque de 200 et de 100 francs avaient amené une économie de plusieurs centaines de millions dans l’emploi des métaux précieux. Les pièces de 10 francs en or, en pénétrant dans la circulation, emploieront une partie de l’or qui surabonde et feront sortir une partie de l’argent. La demande de l’argent diminuera donc