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des placers, le gouvernement britannique a sauvé l’Australie. Les revenus coloniaux sont presque doublés par cette mesure. En effet, la taxe de trente shillings par mois, en la supposant levée sur soixante mille mineurs travaillant huit mois de l’année, donnerait 18 millions de francs. Une taxe de 60 shillings, celle que l’on cherche à établir et à laquelle les mineurs résistent, produirait par conséquent 36 millions de francs. À défaut des cultivateurs anglais, dont la bonne volonté n’est pas bien certaine, et qui, venant de loin, coûtent fort cher, il y a là de quoi importer toute une population d’Indous et de Chinois.

La production des gisemens aurifères de l’Australie, qu’il faut essayer maintenant de déterminer, ne paraît pas avoir excédé un million et demi sterling en 1851 pour tous les placers exploités ; mais on sait que l’exploitation n’avait commencé que vers le milieu de mai dans la province de Sydney, et dans la province de Vittoria vers la fin de septembre. Au mois de janvier 1852, on comptait dix mille mineurs à l’œuvre sur les nombreux gisemens qui dépendent de Sydney ; le produit oscillait entre 12 et 15,000 onces par semaine. À huit mois de travail par année, c’est une somme d’environ 31 millions de francs au prix que vaut l’or dans la colonie, et de 35 millions au prix que donne la monnaie anglaise ; mais la population des placers augmentera certainement en 1852, et c’est faire un calcul modéré que d’estimer à 40 ou 50 millions de francs le rendement de cette province pendant l’année.

Dans la province de Vittoria, trente mille mineurs, travaillaient aux placers vers la fin de décembre. Le nombre augmentant tous les jours, on peut admettre qu’ils avaient reçu, au printemps de cette année, un renfort de dix mille chercheurs d’or. Le travail des mines est une loterie à laquelle bien peu gagnent le gros lot. Une lettre de Sydney, à la date du 4 février, résume ainsi les résultats de cette industrie, résultats qui attirent par leur incertitude et par leur irrégularité même : « On calcule que, sur dix spéculateurs qui emploient des ouvriers au lavage des sables aurifères, un seul parvient à faire ses frais. Pour les ouvriers qui travaillent à leur propre compte, la proportion du succès est de un sur cinq. » Il ne faut donc pas s’étonner si les quantités d’or extraites du sol par tant de mineurs ne répondent pas aux brillantes espérances que les profits extraordinaires réalisés par plusieurs d’entre eux avaient excitées. C’est peut-être calculer largement que de supposer que les quarante mille mineurs de la province de Vittoria produiront en moyenne dix ou douze shillings pour le travail quotidien de chacun d’eux. À deux cents jours de travail, c’est environ 3,000 francs par tête et 120 millions par année. Ainsi les gisemens aurifères de l’Australie présenteraient, en 1852, à raison de 40 millions pour la province de Sydney et de 120 pour celle de Vittoria, un rendement probable de 160 millions de francs. En suivant l’échelle de progression de