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La terre de Van-Diemen, qui nourrissait les autres districts de l’Australie, pourrait bien, cette année, manquer de blé pour elle-même. La récolte, il est vrai, présentait les apparences les plus magnifiques à la fin de 1851 ; mais comment moissonner et rentrer le blé dans une île qui n’a plus de main-d’œuvre et qui va se dépeuplant tous les jours ?

Cette situation est critique ; avec tout autre peuple que la race anglo-saxonne, on pourrait la regarder comme désespérée. Encore quelques mois d’abandon, et l’on perdra bien plus que la récolte de la laine, car les troupeaux n’étant plus gardés périront. Pour former ce capital, sur lequel reposait l’avenir de l’agriculture en Australie, il avait fallu un quart de siècle. Sans une immigration nombreuse, non plus de chercheurs d’or, mais d’hommes adonnés à la vie pastorale, avant que 1852 n’expire, il sera irrévocablement détruit. L’Angleterre s’est éveillée un peu tard au sentiment du péril ; mais elle n’épargne rien maintenant pour conjurer le désastre. Le gouverneur de l’Australie voyait arriver les emigrans avec effroi, tant que ceux-ci ne faisaient que grossir la foule des mineurs et ajouter, par la concurrence, à la cherté des denrées. Il avait même pressé le secrétaire d’état des colonies de diriger vers d’autres climats la population surabondante. Toutefois, à défaut de l’émigration au compte de l’état, l’émigration volontaire ne s’arrêtait pas. Il partait de Liverpool seulement deux mille personnes par mois pour Sydney ou pour Melbourne. On manquait de navires pour ces transports en Angleterre, en Écosse et en Irlande ; jamais une plus grande activité n’avait régné sur les chantiers de construction.

Cependant on a compris que ce qui manquait désormais à l’Australie, c’était une population agricole. Les îles situées au nord de la Grande-Bretagne et les Highlands de l’Écosse renferment des habitans beaucoup trop nombreux, qui, malgré un travail soutenu, meurent de faim sur un sol à peu près stérile. Vingt ou trente mille de ces ménages laborieux, engagés pour labourer les terres de Van-Diemen ou pour garder les troupeaux de la Nouvelle-Galles, cesseraient d’être un fardeau pour la charité britannique et sauveraient l’Australie. Des listes de souscription s’ouvrent en Angleterre à cet effet, et la colonie elle-même va se trouver en mesure d’y concourir, car sir John Pakington a fait connaître à sir G. Fitzroy que le gouvernement mettait à la disposition de la législature locale les revenus qui pouvaient provenir des droits établis sur l’exploitation des gisemens aurifères. En ce moment, le port de Londres renferme toute une flotte de navires de commerce prêts à faire voile pour les terres australes, et qui transportent vingt-trois mille personnes, en réservant aux marchandises la place de trente mille tonneaux.

Au reste, en abandonnant les droits de la couronne sur les trésors