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ils exigeaient le prix énorme de 3 sh. 6 d. pour vingt toisons. Un mois plus tard, la capitale de l’Australie du sud, Adélaïde, réalisait la peinture du village abandonné. Commerçans, industriels, propriétaires et capitalistes, tous les habitans étaient ruinés ou avaient émigré à Port-Philip pour échapper à une ruine inévitable. Les actions de la célèbre mine de Burra-Burra, qui avaient valu plus de 200 livr. st., ne trouvaient plus d’acheteurs à 60, et les sept, cents ouvriers qui y travaillaient s’étaient enfuis. Le prix des choses et des services montait dans une proportion effrayante.

On lit dans une lettre de Melbourne, à la date du 17 janvier : « Dans les banques et à la poste, les employés font la journée double ; les autres services publics ne peuvent pas marcher, faute de bras. On ne trouve pas de domestiques mâles, même aux prix les plus extravagans ; les femmes ne servent pas à des conditions beaucoup meilleures. Je priai le garçon d’abord et ensuite la femme de chambre de l’hôtel où j’étais descendu d’envoyer à la blanchisseuse un petit paquet de linge ; ils me répondirent l’un et l’autre que l’on ne pouvait trouver personne qui consentît à blanchir le linge. Je me vis donc contraint d’aller chez le mercier et d’acheter du linge neuf. A-t-on besoin d’une paire de bottes, il faut la payer 2 livres 10 shillings (63 fr. 20 c) ; une paire de souliers forts coûte 20 shillings (25 fr. 20 c). » Une autre lettre du 1er janvier ajoute quelques traits à cette peinture : « Dans mon opinion, cette ville est menacée d’une ruine complète et infaillible. La nuit dernière, deux hommes arrivèrent, annonçant la découverte de gisemens aurifères dans le district de Gipp’sland ; ils en rapportaient 10,000 livres sterling en or, et annonçaient qu’il y en avait pour le monde entier. Que deviendra maintenant le travail ? Supposons que cent mille immigrans arrivent dans cette colonie l’année prochaine : lequel d’entre eux voudra rester dans les villes ou dans les fermes à gagner quelques shillings par semaine, quand il pourra se diriger vers les mines d’or, et récolter là 50 livres sterling en un jour ? En ce moment, je ne trouverais dans la ville de Melbourne ni à acheter ni à faire réparer une paire de bottes, à quelque prix que ce fût. Je me procure du pain à Collingwood par grâce, et le boulanger ne s’engage pas à m’en fournir régulièrement. Je paie 5 shillings, une voie d’eau, et 30 shillings le bois que peut porter un cheval. On trouve difficilement un camion pour transporter une malle, et le prix de ce service est illimité. Les domestiques du juge sont tous partis ; il ne se sert plus de sa voiture. Ses fils nettoient les couteaux et les chaussures, et traînent leur père malade à son tribunal dans un fauteuil d’invalide. »

Un habitant de Melbourne, qui est réduit à soigner lui-même son cheval pendant que sa femme fait la cuisine, écrit : « Un des membres de notre club, grand propriétaire de troupeaux et qui ne sait, comment