Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cent trente-cinq voix contre deux cent trente-six ; ainsi nous perdîmes d’une voix. Depuis ce jour, mes frères, mon oncle, moi et quelques-uns de ses amis particuliers, nous avons persuadé à sir R. de résigner. Il est resté indécis jusqu’à dimanche soir. Mardi, nous devions finir la question de cette élection, et nous l’avons perdue à seize voix. Sur quoi, sir R. a déclaré à quelques intimes dans la chambre sa résolution de se retirer, et il en avait le matin envoyé prévenir le prince de Galles. Il est entendu par les chefs du parti qu’on n’entreprendra rien de plus contre lui. Hier (mercredi), le roi a ajourné les deux chambres pour une quinzaine, afin de faire les arrangemens. La semaine prochaine, sir R. donne sa démission et va à la chambre des lords. Le seul changement arrêté jusqu’ici, c’est que lord Wilmington sera à la tête de la trésorerie ; mais d’innombrables autres mutations et bouleversemens doivent suivre. Le prince fera son raccommodement, et les whigs-patriotes entreront. Il y a eu quelques feux de joie hier au soir, mais ils étaient fort peu à la mode (unfashionable), car jamais ministre tombé ne fut aussi entouré. Lorsqu’il a baisé la main du roi pour prendre son premier congé, le roi s’est jeté à son col, a pleuré, l’a embrassé et lui a demandé de le voir souvent. Il restera à Londres, et soutiendra le ministère dans la chambre des lords. »

Voilà les scènes du drame appelé gouvernement représentatif. Peut-être trouvera-t-on aujourd’hui quelque plaisir à ce spectacle :

Non quia vexari quemquam est jucunda voluptas,
Sed quibus ipse malis careas quia cernere suave est.

Spencer Compton, comte de Wilmington, qui de président du conseil passa au titre, au titre seulement de premier ministre, fut désigné par Walpole, qui cependant ne conseilla ce choix au roi George II qu’après avoir fait offrir à Pulteney la mission décomposer un ministère ; mais, indécis dans l’action, embarrassé de ses engagemens, sentant bien que l’opposition avait promis par-delà sa puissance, Pulteney déclina la première place, s’inquiétant d’une seule chose, c’est qu’elle n’échût pas à lord Carteret, qui dut se contenter du poste de secrétaire d’état. Le duc de Newcastle restait avec tout le monde, et le chancelier lord Hardwicke, qui, ainsi que lui, s’était conduit en vue d’un tel dénoûment, n’hésita pas à conserver à un cabinet de coalition l’autorité de sa sagesse et de son expérience. La chambre des communes était, comme on le voit, faiblement représentée dans le pouvoir, car Sandys, nommé chancelier de l’échiquier, comptait peu. De là devait naître un jour la fortune de Henry Pelham, qui ne voulut rien de la dépouille de Walpole, et resta payeur-général de l’armée. Pulteney, qui promettait de soutenir et se flattait de conduire le ministère, vit bientôt qu’il aurait trop de responsabilité pour trop peu de pouvoir, et se laissa persuader de demander la pairie, qu’il accepta ensuite en hésitant. « J’ai tourné la clé sur lui, s’écria Walpole, qui lui avait valu cette faveur. » El quand, à la fin de la session, le nouveau comte de