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plus tard Mademoiselle, ses blonds cheveux couverts d’un casque, et ses yeux si doux essayant de prendre une expression martiale[1]. Du moins est-il certain qu’elle s’associa à toutes les fatigues du siège, qu’elle assistait aux revues des troupes, aux parades de la milice bourgeoise, et que tous les plans civils et militaires se discutaient devant elle. Les mémoires du temps sont remplis, à cet égard, des plus curieux détails. L’hôtel de Longueville était sans cesse rempli d’officiers et de généraux : on n’y voyait que plumets, casques et épées.

Malgré tout cela, l’esprit démocratique qu’avait évoqué la Fronde n’était pas satisfait, et voyait avec ombrage toutes les forces de Paris entre les mains du frère, du beau-frère et de la sœur de celui qui en faisait le siège. Croyant fort peu, et avec raison, au patriotisme des princes, la bourgeoisie demandait des gages à des chefs qui, en un jour, la pouvaient trahir et faire à ses dépens leur paix avec Saint-Germain. On ne savait trop comment apaiser cette multitude sans laquelle on ne pouvait rien. C’est alors que Mme de Longueville fit voir que, si elle avait oublié ses vrais devoirs, elle avait retenu l’énergie de sa race et l’intrépidité des Condé. Elle prit avec elle ses enfans en très bas âge, et, dans une grossesse avancée, elle se rendit au quartier-général de l’insurrection, à l’Hôtel-de-Ville, et se remit entre les mains du peuple, se donnant elle-même en otage avec ce qu’elle avait de plus cher. Son exemple fut suivi par la duchesse de Bouillon. « Imaginez-vous, dit Retz, ces deux belles personnes sur le perron de l’Hôtel-de-Ville, plus belles en ce qu’elles paraissaient négligées, quoiqu’elles ne le fussent pas. Elles tenaient chacune entre leurs bras un de leurs enfans, qui étaient beaux comme leurs mères. La Grève était pleine de peuple jusqu’au-dessus des toits ; tous les hommes jetaient des cris de joie et les femmes pleuraient de tendresse[2]. » Là, dans la nuit du 28 au 29 janvier 1649, Mme de Longueville mit au monde un fils, le dernier fruit de ses entrailles, qui eut pour parrain le prévôt des marchands, pour marraine la duchesse de Bouillon, que le coadjuteur Retz baptisa en l’église Saint-Jean-de-Grève, et qui reçut le nom de Charles de Paris ; enfant de la Fronde, beau, spirituel et brave, qui pendant sa vie fut l’inquiète espérance, la joie mélancolique de sa mère, et sa suprême douleur en 1672, lorsqu’il périt au passage du Rhin, à côté de son oncle.

Pendant quelque temps, Condé se borna à soumettre Paris à un blocus de plus en plus rigoureux et à de petites attaques, dont l’effet n’était pas d’encourager beaucoup la milice bourgeoise. Les gentilshommes

  1. Le père Lelong indique un portrait de Mme de Longueville en Pallas, par Poilly, in-fol. Nous avons vainement cherché ce portrait dans l’œuvre de Poilly.
  2. Tome 1er, p. 221.