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dans ses chefs, était menteuse et corrompue, violente et étourdie, à de très rares exceptions près, et je suis pour Mazarin sans l’aimer ni méconnaître ses défauts et ses fautes, parce que, après tout, il servait bien la France, qu’il conduisait avec un talent supérieur les affaires du pays au dehors, et qu’au dedans la misère, suite inévitable de guerres nécessaires, allait être au moins diminuée par la paix avec l’Allemagne. J’admire Condé dans cette première Fronde d’avoir résisté à ses propres griefs, à l’antipathie qu’il éprouvait pour Mazarin, aux sollicitations de sa propre famille et de sa sœur. Je le blâmerai hautement quand, infidèle à sa fortune et à sa gloire, sacrifiant le principal à l’accessoire et mettant l’humeur à la place de la politique, il entrera dans les intrigues qu’il avait repoussées et se laissera entraîner à ménager d’abord, puis à servir la Fronde.

Il commença bien différemment. Au début des troubles, Condé, sans être assez homme d’état pour étouffer la Fronde dans son berceau, garda du moins une attitude altière envers les mécontens ; il ne prêta qu’une oreille distraite aux propos de sa sœur, et n’ayant aucun goût pour les agitations de la populace et pas davantage pour les délibérations souvent ridicules du parlement, uniquement occupé de la coalition de l’Espagne et de l’empire, il s’en alla, au printemps de 1648, prendre le commandement de l’armée de Flandre, résolu à frapper un grand coup et à renouveler Rocroy. N’ayant pu l’entraîner, on voulut au moins profiter de son absence. Pendant que Mazarin, dans l’intérêt suprême du pays, lui demandait ses dernières ressources et faisait argent de tout pour lever quelques soldats de plus, les frondeurs, c’est-à-dire quelques grands seigneurs appuyés sur une partie de la noblesse, soulevèrent le peuple et le parlement, qui n’avaient pas la moindre idée de la vraie situation des affaires, car le parlement n’était pas une assemblée politique, et le peuple ne savait qu’une seule chose, c’est qu’il souffrait cruellement. Mazarin, tout entier au péril de la frontière, ne comptait pas assez avec le péril domestique. Il avait gardé très peu de forces auprès de lui, et un beau matin il arriva que les frondeurs lui enlevèrent Paris. La journée des barricades suivit de près celle de Lens. À son retour, Condé trouva la royauté humiliée, le parlement triomphant et dictant des lois à la couronne, le duc de Beaufort, avec lequel autrefois il avait songé à se mesurer pour venger l’honneur de sa sœur, échappé de sa prison de Vincennes et maître de Paris au moyen de la populace dont il était l’idole ; l’abbé de Retz, dont il connaissait la légèreté et l’inquiète vanité, transformé en tribun du peuple ; le prince de Conti tranchant du capitaine ; M. de Longueville, conduit par sa femme et par La Rochefoucauld, et le faible duc d’Orléans, se croyant presque roi parce qu’il voyait la reine abattue et que