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pensions à lever la séance, ils ont jeté en avant leurs plus violentes questions. L’une était une motion tendant à obtenir l’autorisation de présenter le bill sur les places (place bill), à l’effet de limiter le nombre des gens en place dans la chambre. On ne s’y est point opposé par bienséance, l’usage étant de le laisser passer aux communes, et il est rejeté par les lords. Seulement, le colonel Cholmondoley a demandé si le projet était de limiter le nombre de ceux qui avaient des promesses de places, aussi bien que le nombre de ceux qui en occupent actuellement. Il faut vous dire que nous sommes un vrai conclave. On achète des votes avec des réversions de place au prochain changement de ministère. Lord Gage donnait au café de Tom le compte des changemens projetés ; Pultney devait être chancelier de l’échiquier, Chesterfield et Carteret secrétaires d’état. Quelqu’un demanda qui devait être payeur-général ? Numps Edwin, qui était là, répondit : « Nous n’avons pas encore pensé à si petite chose… »

« Ce jeudi dont je vous parle, à trois heures. M. Pultney s’est levé et a demandé la formation d’un comité secret de vingt et un membres. Cette inquisition, ce concile des dix, devait siéger pour examiner telles personnes et tels papiers qu’il lui plairait, et se réunir où et quand il le voudrait. Il a beaucoup protesté que la mesure n’était dirigée contre aucune personne, mais tendait purement à donner un avis au roi, et, sur ce pied-là, on a débattu la chose jusqu’à dix heures du soir, où lord Perceval a lourdement découvert ce qu’on avait voilé avec tant d’art, déclarant qu’il entendait voter un comité d’accusation. Sir Robert s’est immédiatement levé, et il a protesté qu’il n’aurait point parlé, n’était ce qu’il venait d’entendre en dernier lieu ; mais que cela, il devait le prendre pour lui. Il a dépeint la malice de l’opposition, qui, depuis vingt ans, n’avait pu l’atteindre, et qui en était réduite à cet infâme détour. Il l’a défiée de l’accuser, demandant seulement que, si elle le faisait, ce fût d’une manière ouverte et loyale. Il a parlé de M. Doddington[1], qui avait appelé son administration infâme, comme d’un homme aimant à se mortifier, lui qui, pendant seize ans, avait condescendu à supporter sa part d’odieux. Quant à M. Pultney, qui venait de parler une seconde fois, sir R. a dit qu’il avait commencé le débat avec un grand calme, mais qu’il fallait lui rendre justice ; il avait fait amende honorable en finissant. En un mot, jamais l’innocence ne fut si triomphante !

Il y a eu plusieurs glorieux discours des deux côtés, deux de M. Pultney, ceux de W. Pitt et de George Grenville[2], de sir Robert, désir W. Yonge, de Harry Fox, de M. Chute et de l’attorney général. Mon ami Coke, parlant pour la première fois, l’a fait admirablement bien et a rappelé combien est grande

  1. Bubb Doddington, fameux par ses variations, ses intrigues et ses trahisons, venait de quitter le poste de lord de la trésorerie. Il a laissé un journal curieux d’une partie de sa vie politique, et il parvint à la pairie un an avant de mourir.
  2. George Grenville, beau-frère de Pitt, fut premier ministre en 1763. William Yonge était secrétaire de la guerre. H. Fox, le premier lord Holland, figura dans plusieurs ministères et fut le père de Charles Fox. L’attorney général se nommait sir Dudley Ryder.