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d’essuyer une défaite assez grave à Mariendal. La victoire de Nortlingen, du 5 août 1645 donna la plus grande force à M. de Longueville, et le duc de Bavière, la seconde puissance catholique de l’Allemagne, qui avait rompu les négociations après Mariendal, les reprit avec empressement après Nortlingen. La cession de l’Alsace était alors presque gagnée ; mais Mazarin victorieux avait de la peine à renoncer à l’espérance qu’il nourrissait depuis long-temps d’acquérir les Pays-Bas de l’Espagne en lui remettant la Catalogne. C’est là en quoi résidait toute la difficulté des négociations, le nœud qu’aucune habileté ne pouvait résoudre et que l’épée seule pouvait trancher. Il était réservé à Louis XIV, à la fin du XVIIe siècle, après avoir perdu tous les hommes d’état qui firent long-temps sa force et sa gloire, Mazarin, Lyonne et Colbert, d’abandonner la pensée de ses devanciers, et quand on lui proposait les Pays-Bas en retour de ses droits sur l’Espagne, de rejeter cette faveur de la fortune que Mazarin et Richelieu eussent embrassée avec des transports de joie, et cela dans un frivole intérêt de famille, jouant comme à plaisir sa propre couronne pour en mettre une sur la tête de son petit-fils, et manquant de perdre la France sans lui donner même pour un quart de siècle l’alliance de l’Espagne. Pour le dire en passant, cette résolution incroyable, mal couverte d’une apparence de grandeur, ainsi que la révocation de l’édit de Nantes, sont les deux grandes inspirations personnelles de Louis XIV ; elles jugent sa politique intérieure et extérieure, comparée à celle de Mazarin, de Richelieu et d’Henri IV. On ne peut pas dire tous les efforts que fit Mazarin en 1648 pour amener l’Espagne à lui céder les Pays-Bas. Il offrit, avec la Catalogne tout entière, le jeune Louis XIV pour la jeune infante Marie-Thérèse. En même temps il envoya d’Estrades, avec lequel nous avons naguère fait connaissance[1], en Hollande, pour y faire agréer l’arrangement qu’il désirait avec passion ; il alla jusqu’à proposer Anvers au commerce hollandais. C’était une puissante tentation : la Hollande y résista ; elle était lasse de la guerre, qu’il eût fallu continuer, et puis elle commençait à ne plus tant redouter l’Espagne, et ne trouvait pas un grand avantage à acquérir, au lieu d’un voisin affaibli, un voisin conquérant. De son côté, l’Espagne voyait poindre à l’horizon de nouveaux troubles parmi nous, et sur cette espérance elle rompit les négociations, fit un traité séparé avec la Hollande, et persuada à l’empereur d’entreprendre avec elle un dernier et puissant effort. Un seul homme pouvait encore sauver la France, tout aussi menacée qu’elle l’avait été en 1643. Cet homme était le vainqueur de Rocroy. C’est alors que Condé, qui connaissait parfaitement la situation des affaires, livra dans les plaines de Lens

  1. Revue des Deux Mondes, livraison du 15 juillet, page 397.