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condamner en conséquence ! Vous voyez à quelle justice nous devons nous attendre, s’ils gagnent actuellement la majorité ; mais un de leurs chefs a trouvé la pilule trop forte à avaler. Sir John Barnard[1] leur a proposé et persuadé d’accorder à l’inculpé un jour pour être entendu. Au total, nous sommes restés en séance jusqu’à quatre heures et demie du matin, la plus longue séance qu’on ait jamais vue. Je ne dis rien de moi, car je pouvais à peine parler lorsque je suis sorti ; mais sir Robert était aussi bien que possible, et parlait avec autant de feu que jamais à quatre heures. Pour aujourd’hui, ils ne le tueront pas ; je ne réponds de rien pour un autre jour. Quand il est sorti, Whitehead, l’auteur des Mœurs[2], et agent de l’opposition avec un chirurgien nommé Carey, a dit : « D — (damnation) ! comme il a l’air bien portant ! » Immédiatement après leur succès, lord Gage est sorti et a demandé à la populace de ne rien faire ; mais hier au soir nous avons eu des feux de joie par toute la ville, et nous aurons, je suppose, de grandes émotions de la foule pour la nouvelle élection…..

« Sir Robert est très confiant. J’espère pour lui, pour son honneur et pour la tranquillité de la nation, qu’il l’emportera ; mais, dès qu’il aura une majorité assurée, je le presserai vivement de résigner. Il a une constitution à durer plusieurs années et à jouir de quelque repos. Et pour mon compte (et mes frères sont tous deux d’accord avec moi), nous désirons de tout notre cœur voir finir son ministère. Si j’en juge par moi-même, ceux qui aspirent à prendre notre place ne désirent pas la fin de tout cela plus que nous-mêmes. Il est fatigant de supporter tant d’envie et de malveillance sans les mériter. Otium Divos rogo. Mais adieu la politique pour trois semaines. »


« Vendredi 22 janvier 1742.

« Ne vous étonnez pas que je ne vous aie point écrit hier, mon jour accoutumé. Vous aurez pitié de moi quand vous saurez que j’ai été enfermé dans la chambre des communes jusqu’à une heure du matin. J’en suis sorti plus mort que vif, et j’ai été forcé de laisser sir R. souper avec mes frères. Il était tout entrain et tout feu. Il dit qu’il est plus jeune que moi, et vraiment je le crois en dépit de ses quarante ans de plus. J’ai mal à la tête ce soir, mais nous nous sommes levés de bonne heure, et si je n’écris pas le soir, quand trouverai-je un moment de libre ? Maintenant vous voulez savoir ce que nous avons fait la nuit dernière. Attendez, je vous le dirai tout à l’heure en son lieu. Cela a bien été, et grande est la conséquence. — Mais je vais tout vous conter.

« Notre congé finissait lundi dernier, et jamais à l’école je n’ai joui autant des jours de fête ; mais les voilà finis jusqu’au printemps[3]. Mardi (car vous voyez que je vous écris un journal complet), nous avons siégé pour une élection écossaise… J’en viens maintenant à la journée d’hier. Nous nous sommes réunis, ne nous attendant pas à de grandes affaires. Cinq des nôtres étaient allés à l’élection de York, et les trois lords Beaucleres aux funérailles de leur mère à Windsor, car cette vieille beauté de Saint-Albans est morte enfin. On comptait sur tout cela pour avoir la majorité, et vers trois heures, lorsque nous

  1. Membre pour la Cité, le modèle du marchand anglais, selon lord Mahon, très considéré et très influent dans l’opposition.
  2. Un méchant écrivain poursuivi pour un poème satirique intitulé Manners.
  3. En français dans le texte original.