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HANDBOEK DER LAND-EN VOLKENKUNDE, GESCHIED-TAAL-AARDRYKS-EN STAAT-KUNDE VAN NEDERLANDSCH INDIE (Manuel topographique, ethnographique, historique, linguistique, géographique et politique de l’Inde néerlandaise), par M. P.-P. Roorda van Eysinga[1]. — Lorsque les Hollandais eurent assis d’une manière définitive leur domination dans l’archipel de l’Asie, un des premiers soins dont ils eurent à s’occuper dans l’intérêt de leur colonisation et de leur commerce fut d’étudier ces vastes et riches contrées où tout était pour eux un objet de profitable curiosité. En parcourant le grand ouvrage qu’un de leurs missionnaires, qui y passa une partie de sa vie, François Valentyn, a composé sous le titre de Beschryving van Oost Indien (Description des Indes-Orientales)[2], on voit combien de précieux documens il a recueillis dans les archives du gouvernement colonial. À ces matériaux, Valentyn en a réuni d’autres qui n’ont pas une moindre valeur et qu’il n’a dus qu’à lui-même : ce sont ceux que lui ont fournis ses recherches sur les langues et les monumens littéraires des peuples qu’il fut appelé à évangéliser. Cependant, depuis que ce livre a vu le jour, un siècle et plus s’est écoulé, et de notables changemens ont été introduits dans le régime des possessions néerlandaises; l’administration directe de la mère-patrie, avec son régime libéral et paternel, a été substituée au monopole de l’ancienne compagnie des Indes; un nouveau système de culture a été appliqué et a produit déjà de très remarquables résultats. Les langues, les littératures, l’histoire naturelle des pays que ces possessions embrassent ont donné lieu à des travaux poursuivis avec ensemble et persévérance sous l’impulsion et grâce au généreux patronage de la Société des arts et sciences de Batavia, Bataviaasche Genootschap van kunsten en wetenschappen, fondée à la fin du siècle dernier. Les ruines des monumens splendides qui jadis s’élevèrent sur le sol javanais, à Boro-Bodo, Brambanan et autres localités, ont été explorées, les inscriptions qui les couvrent en partie recueillies; l’archipel d’Asie, tel qu’il fut dans l’antiquité, commence à se révéler à nous : on peut aujourd’hui déterminer quelle est la part de civilisation qui lui appartient en propre, — celle qu’il a reçue des immigrations indiennes qui vinrent de la côte du Dekkan s’y fixer à une époque antérieure à notre ère, — celle aussi que lui communiqua l’islamisme, qui s’y implanta dans les premières années du XIIIe siècle.

Ces conquêtes de la science, le développement qu’a pris l’agriculture coloniale et le mouvement commercial qui en a été la conséquence présentent un tableau digne d’intérêt, que M. Roorda van Eysinga a entrepris de nous retracer dans l’ouvrage dont il vient récemment de livrer au public un nouveau volume. Cet ouvrage ne fait point double emploi avec celui de Valentyn, mais, en le résumant, il le complète, car il le continue depuis l’époque où vivait le savant missionnaire et où il s’est arrêté dans sa narration jusqu’à nos jours. M. Roorda van Eysinga était parfaitement préparé par sa position personnelle à la tâche qu’il s’est imposée. Employé supérieur aux Indes-Orientales où il a long-temps séjourné et où il s’est initié à la connaissance des principales langues qu’on y parle, le malais et le javanais, chargé, à son retour en Hollande, de l’enseignement de ces deux idiomes à l’académie militaire de Bréda, il a pu consulter les documens de l’administration coloniale et mettre à profit les

  1. III bock, III deel, Amsterdam, in-8o, 1850.
  2. vol. in-folio, Dordrecht et Amsterdam, 1724-26.