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rappelle que l’ordre religieux de Saint-Dominique était spécialement chargé d’épier l’hétérodoxie des ouvrages introduits dans la vice-royauté, afin de les détruire, et que l’inquisition frappait de châtimens sévères, non-seulement les détenteurs de livres prohibés, mais encore les personnes qui, soupçonnant leur existence chez des particuliers, reculaient devant une délation. On trouve aussi d’autres fresques d’un sens énigmatique comme celle-ci : un chien aboie à une chandelle allumée près d’un vase renversé au-dessus duquel s’envole un dragon vert en forme de raquette. — Cette chandelle ne figurerait-elle point la foi se dressant sereine et victorieuse, en dépit des efforts de ses ennemis?

L’église de Santo-Domingo renferme la seule œuvre de statuaire remarquable qu’il y ait à Lima : nous voulons parler de la Sainte Rose du sculpteur italien Mazza. La sainte liménienne, patronne de toutes les Amériques, est couchée sur le roc; ses lèvres entr’ouvertes exhalent leur dernier soupir, et sa main droite pendante semble chercher encore le rosaire qu’elle a laissé choir. Il y a tout à la fois en elle de l’extase de l’ange et du sommeil de la femme; son visage resplendit d’une double beauté : beauté plastique et précise que détermine une adorable pureté de lignes; beauté idéale, reflet de toutes les divines perfections d’une nature exceptionnelle. A ses côtés se tient les ailes ouvertes, la chevelure légèrement soulevée par l’air, le pied effleurant à peine le sol, un chérubin dans une attitude pleine de douce mélancolie; sa main soulève avec une pieuse hésitation un pan de draperie qui lui voilait le visage de la vierge; tant de calme et de sérénité semble le tromper; lui-même il méconnaît la mort, et il hésite à guider vers Dieu la belle ame qui s’envole. Sur une aspérité du roc gît un rameau brisé où s’épanouit une rose. L’ame immaculée de la sainte et le doux parfum de la fleur montent ensemble vers le ciel.

Dans la galerie supérieure du troisième cloître de Santo-Domingo, on remarque deux toiles, œuvres honnêtes et patientes de quelque Péruvien zélé. Ces œuvres jumelles représentent les différentes phases de la vie humaine. Dans la vie de l’homme, les costumes appartiennent au dernier siècle; dans celle de la femme, ils sont empruntés aux modes liméniennes de notre époque, couleur locale qui naturellement lui donne assez de titres à nos sympathies pour nous autoriser à dire un mot de sa composition. — La moitié inférieure de la toile est occupée par une grande arcade qu’un arbre divise en deux parties égales. Cet arbre porte à son sommet une sorte de Janus femelle, dont une des faces est florissante de jeunesse, tandis que l’autre est maussade et rechignée comme celle d’une méchante vieille. D’un côté, la nature étale sous un ciel pur sa robe couleur d’espérance, les arbres poussent des rameaux droits et feuillus, et, sur une pelouse émaillée de