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n’est généralement pas des mains des ouvriers qu’on peut en recevoir les élémens. S’il est très commun de les entendre se plaindre du taux des salaires ou du régime de la fabrique, il est beaucoup plus rare de les voir préciser leurs désirs, de telle sorte qu’on puisse les juger. Ce n’est pas une définition que de dire : « Nous voulons améliorer notre sort. » Très légitime quand elle est contenue par le respect de la loi morale, cette volonté réside, plus ou moins active, plus ou moins intelligente, dans l’ame de tous les hommes. Les moyens à mettre en œuvre pour la réaliser peuvent seuls constituer un système de conduite, un ensemble d’idées, qui se prête à la discussion. Cependant ou découvre çà et là chez les chefs d’atelier et les compagnons lyonnais quelques pensées ayant réellement un corps et pouvant être considérées comme répondant aux vœux des travailleurs. Parmi celles que nous avons pu recueillir, les plus importantes se rapportent d’abord à la patente dont les chefs d’atelier sont grevés lorsqu’ils ont un compagnon ou même un simple apprenti, et dont ils voudraient être exemptés; en second lieu, au mode actuellement suivi pour le placement des compagnons, qui dépend tantôt de quelques industries accessoires du tissage et tantôt des chefs du compagnonnage. La chambre de commerce s’est rendue, en ce qui concerne la patente, l’organe de la réclamation des ouvriers, qu’il serait difficile peut-être de concilier avec le principe de l’égalité devant la loi. Quant au placement des ouvriers, si un décret récent sur les bureaux de placement, appelé à produire un bien réel à Paris, doit trouver difficilement à s’appliquer à Lyon, il laisse du moins le champ libre à toute combinaison fondée sur le concours de la fabrique ou de la commune; mais une telle institution ne saurait prospérer dans la cité lyonnaise que si elle naît du sein même de la société laborieuse; le rôle de l’autorité consiste seulement à l’aider dans ses débuts, à la maintenir ensuite dans sa voie naturelle.

Il ne faudrait pas renoncer à tirer parti, pour le bien-être des masses, de toutes les institutions nées au milieu d’elles, et dont le rôle avait été vicié naguère par un alliage funeste. Quelques distinctions sont ici nécessaires. Parmi les sociétés fondées pour l’achat des denrées domestiques, il en est qui renfermaient un bon germe que l’avenir pourra féconder : celles qui avaient su limiter leur action dans le cercle de leurs membres. Ramenées sur leur véritable terrain, ces institutions sont susceptibles d’alléger des situations gênées, pour lesquelles tout moyen d’économie est un bien inappréciable. Les questions qui planent sur la fabrique lyonnaise, la concurrence des travailleurs, l’émigration du tissage à la campagne, la création de grands ateliers mécaniques, rendent très précaire, comme on a pu en juger, l’existence de la population ouvrière agglomérée sur les bords du Rhône. Toutefois l’industrie de Lyon possède une force intrinsèque qui la met en mesure de