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modelage, de tissage, etc. Elle reçoit gratuitement quatre cents jeunes gens environ, tous fils d’ouvriers ou de petits commerçans, qui viennent assister aux classes que leurs parens ont jugé utile de leur faire suivre. Un élève peut ainsi passer chaque jour quelques heures à l’école et consacrer le reste du temps à son apprentissage. L’ingénieuse méthode suivie dans l’enseignement est combinée de façon à tenir constamment en éveil l’attention de jeunes et turbulens auditeurs.

Dans le cercle des institutions de crédit et de prévoyance intéressant les ouvriers, la ville de Lyon possédait, avant 1848, une caisse de prêts pour les chefs d’atelier de la soierie et un certain nombre de sociétés de secours mutuels. La caisse de prêts, qui fonctionne encore, a été fondée en 1832, à la suite de l’insurrection de l’année précédente, pour remédier à des maux que ce choc fatal avait augmentés ; elle a été dotée par le concours de l’état, du département et de la ville. On avait reconnu que les chefs d’atelier étaient souvent obligés, par suite d’une suspension générale ou partielle de la fabrication, de vendre à vil prix leurs ustensiles de travail, creusant ainsi devant eux le gouffre d’une misère sans fond. En pareil cas, sur une simple demande écrite et après vérification faite par une commission spéciale, la caisse accorde, à un intérêt modéré, des avances remboursables par à-comptes, en se contentant de la seule signature du chef d’atelier. Faute de ressources suffisantes, cette institution, dont la pensée répond à un des besoins de la fabrique, n’a pu malheureusement prendre l’essor nécessaire pour agir sur l’ensemble de la famille laborieuse. Resserrée dans les plus étroites limites, son action se borne à soulager quelques misères individuelles. Les anciennes sociétés de secours mutuels ont également pour caractère de produire un bien isolé, sans aucune influence sur les relations des diverses classes sociales entre elles. On compte cent à cent dix associations de cette nature, composées chacune d’un très petit nombre de membres et dont l’effectif général ne s’élève pas à six mille individus. Ces sociétés restent à peu près complètement étrangères aux ouvriers de la fabrique proprement dite.

C’est ailleurs qu’il faut chercher le fait qui distingue notre époque, C’est-à-dire l’effort engendré par le sentiment des besoins d’un ordre industriel profondément ébranlé. On a tâché, à l’aide de diverses créations récentes, de réagir contre l’esprit de désunion, d’éteindre ce brandon de discorde qui n’a jamais éclairé que des ruines. Cette idée se rencontre au plus haut degré dans la Société générale de secours mutuels et dans la Caisse de retraites des ouvriers en soie ; elle se révèle aussi dans une allocation municipale destinée à procurer des ressources annuelles aux ouvriers à qui leur âge ne permet pas de profiter des avantages de la caisse de retraites. Bien qu’elle en soit encore à ses débuts, on peut déjà juger que la société de secours mutuels est une