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si pittoresque sur une colline parsemée de palmiers et d’orangers, et couronnée par de belles ruines romaines. Nos vaisseaux, protégés contre la violence du mistral par une presqu’île sablonneuse couverte de plus parasols, étaient là tout aussi en sûreté et tout aussi bien au bout du télégraphe qu’ils l’eussent été à Toulon même. En même temps, on était hors du port, inappréciable avantage pour qui sait ce que perdent des bâtimens armés à y séjourner trop long-temps. On n’avait à craindre ni ces mutations continuelles qui ébranlent la bonne organisation des états-majors et des équipages, ni les réparations sans cesse renaissantes qui entravent les exercices et nuisent à la discipline par le contact du matelot avec l’ouvrier. En mer, hommes et choses doivent rester comme ils sont ; on écoute moins la fantaisie du changement quand on a moins de moyens de la satisfaire, et les bâtimens savent eux-mêmes fort bien attendre l’heure d’être réparés, qui n’arrive jamais assez tôt dans le port. Il y a profit pour le trésor en même temps que pour la discipline.

Ce mouillage, assez austère par lui-même, offrait heureusement aux évolutions navales une facilité qui permettait à l’amiral de ne pas laisser languir ses équipages dans une trop longue immobilité. Quel que fût le temps, il pouvait appareiller et sortir par l’une des trois passes qui s’ouvrent sur la grande mer ; quel que fût le temps, il pouvait rentrer et chercher un abri contre la tempête. De fréquens simulacres de débarquement, dirigés contre les plages désertes qui avoisinent l’embouchure du Guapeau ou contre les vieilles fortifications de Porquerolles, servaient encore à rompre la monotonie de la routine journalière.

Il ne faut pas croire que ce dernier exercice ne fût qu’une ressource imaginée pour remplir quelques heures vides de la journée de nos matelots ; c’était une partie fort importante de leur éducation à laquelle nos côtes se prêtaient beaucoup mieux que les côtes étrangères. Il est assez malaisé d’obtenir, même d’une nation amie, qu’elle vous laisse débarquer en armes sur sa plage ; le simulacre ressemble beaucoup trop à la réalité pour ne pas donner quelque ombrage : c’est donc chez nous, sur notre propre territoire, que nous devons faire l’apprentissage d’un mode de guerre qui paraît devoir jouer un si grand rôle dans les luttes à venir. En effet, toutes les dernières expéditions maritimes, les nôtres au Mexique, dans la Plata, à Taïti, celles des Anglais en Syrie, en Chine et ailleurs, n’ont été qu’une série de débarquemens et de coups de main. L’emploi chaque jour croissant de la vapeur doit avoir pour effet de généraliser davantage encore ce genre d’opérations. Il importe donc d’en rendre la pratique de plus en plus familière à nos équipages. Il n’y a peut-être pas d’opération plus délicate et qui réclame plus de méthode et de sang-froid, et, il faut bien le dire, ce sont