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coups d’aviron avaient-ils été donnés, qu’on vit approcher un bateau à vapeur turc, monté par le riale-bey de la flotte, Osman-Bey, qui venait apporter les complimens du capitan-pacha. L’amiral Lalande quitta son canot et passa à bord du vapeur pour se diriger vers le vaisseau-amiral de la flotte ottomane. Pendant le trajet, Osman-Bey, qui était une de ses vieilles connaissances, l’engagea à descendre dans la chambre du navire, et, lorsqu’il l’y vit entré avec ses officiers, il appela un drogman arménien, qui était son homme de confiance, et ferma les portes avec le plus grand mystère. Après quoi, il déclara sans préambule à l’amiral que la flotte sortait des Dardanelles contre les ordres du divan, et qu’elle allait se joindre à l’escadre égyptienne. Jamais communication n’avait été plus inattendue ; mais Osman-Be, continua sans s’occuper de l’effet qu’elle avait produit. Il développa les motifs qu’avait eus le capitan-pacha de prendre cette grave décision. Il était d’accord, disait-il, avec Hafiz-Pacha, qui commandait l’armée du Taurus. Leur intention était de demander une entrevue à Méhémet-Ali, et de s’entendre avec lui pour faire cesser tout prétexte de guerre. Puis le capitan-pacha se rendrait à Constantinople par mer, pendant qu’Hafiz-Pacha y marcherait à la tête de son armée, et ils s’uniraient pour renverser le gouvernement de Khosrew-Pacha, qui gouvernait au nom du sultan-enfant, et qui n’était pas un Turc, mais, un véritable vice-roi russe. Vendu au czar, Khosrew trahissait son pays en le poussant dans une guerre impie contre des frères en religion, dans une guerre où la ruine de l’empire ottoman était certaine. Le capitan-pacha, ajouta Osman-Bey, a voulu que l’amiral français eût connaissance de tous ses projets ; il lui ouvre son cœur, et lui demande avec confiance son avis et sa protection. Il ne doute pas que la France n’approuve une conduite dont le but est de maintenir la paix en Orient et d’arracher la Turquie à l’oppression d’une influence étrangère dont elle ne sait comment se délivrer.

L’amiral Lalande ne put cacher entièrement la surprise que lui causa cette communication ; sa réponse fut vague et un peu embarrassée. « Il refusait d’avoir une opinion sur les affaires intérieures de la Turquie, et, sans approuver la reddition de la flotte à Méhémet-Ali, il engageait le capitan-pacha à faire tous ses efforts pour obtenir le maintien de la paix et éviter une guerre désastreuse. Il ne pouvait donner au capitan-pacha un de ses officiers comme sauve garde, mais il consentait à le faire accompagner par un de ses navires, dont le commandant aurait ordre de faciliter toute tentative d’arrangement pacifique. » La conversation se termina par la demande que fit Osman-Bey qu’on n’ouvrît pas la bouche de tout ce qui venait de se dire à bord du vaisseau-amiral dans l’entrevue officielle que l’amiral Lalande allait avoir avec le capitan-pacha. Le vaisseau, en effet, était