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Il y a là le sujet d’une longue et attentive vigilance. La sévérité est d’autant plus dans le droit et dans le devoir du gouvernement, qu’il a engagé l’état dans de plus vastes entreprises, justement pour alimenter les sources du travail. Ce n’est au surplus que par leur côté social et moral que ces grèves ont ici leur place; elles interrompent à peine le calme universel. Maintenant, en dehors de ces incidens, voilà donc la discussion suspendue dans les assemblées pour sept ou huit mois; l’embarras qu’elles causent, il faut en convenir, ne saurait être moindre. La session politique, comme on disait autrefois, est terminée; ici commence une autre session qu’on pourrait appeler administrative, consacrée tout entière aux affaires et aux intérêts pratiques, et où l’action exécutive s’exerce seule. L’intérêt qu’il peut y avoir dans une telle période consiste à observer dans leur diversité les mesures dont le gouvernement poursuit l’exécution ou dont il prend l’initiative.

Une des plus importantes et des plus délicates de ces mesures en cours d’exécution, sans nul doute, c’est la réforme pénitentiaire. Le principe en avait été posé dans divers décrets du président de la république; il trouvait de nouveau sa place récemment dans une loi soumise au corps législatif. Ce n’est plus un projet aujourd’hui; la transformation des bagnes est à demi accomplie. Celui de Rochefort est maintenant fermé, celui de Toulon va être successivement vidé de ses terribles habitans. A la fin de l’année, il y aura environ deux mille forçats transportés à la Guyane et destinés à former le noyau de nos nouvelles colonies pénales; quinze cents y sont déjà arrivés sous la conduite d’un gouverneur énergique et de notre marine. Reste maintenant à savoir dans quelle mesure cette grande réforme réussira. Nous disons que la question reste entière, parce qu’on ne saurait rien conclure évidemment de la satisfaction que semble inspirer aux forçats ce changement dans leur sort, ni de l’empressement que la plupart, hommes et femmes, mettent à accepter leur condition nouvelle. S’il n’y avait que cela, ce serait une grâce déguisée. Le but de la loi pénale ne serait point atteint; il léserait d’autant moins en présence des tendances du jury français à adoucir la pénalité, en substituant fréquemment les travaux forcés à une condamnation capitale. Il en résulterait un bouleversement complet dans l’échelle des peines. Disons tout de suite le mérite jusqu’ici le plus appréciable de cette mesure : c’est qu’elle purge la France d’une population infectée de crime et de vice, dont le contact est souvent un péril, et où la corruption s’engendre elle-même. Quant au reste, c’est un essai qui mérite sans doute d’être tenté, mais dont le succès reste un problème.

La réforme pénitentiaire est en même temps à l’étude dans plus d’un autre de ses détails, en ce qui touche notamment les maisons de détention cellulaire. Le gouvernement avait chargé une commission spéciale de faire une enquête sur la prison Mazas, construite dans ces conditions. Le rapport de cette commission, récemment publié, constate ce qu’il y a de favorable dans le système de détention cellulaire. Qu’on n’oublie pas qu’il ne s’agit encore ici que de la détention préventive, et que la détention préventive, tout en étant une garantie nécessaire, est peut-être un des points les plus susceptibles de révision. Voici un homme en effet qui, dans un intérêt social, est emprisonné sous la prévention d’un crime. En fait, dans beaucoup de cas, la culpabilité