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d’entre eux y avaient laissé leur vie. Dans le premier quart du XVIIe siècle, le duel était une mode à la fois utile et désastreuse, qui entretenait les mœurs guerrières de la noblesse, mais qui la moissonnait presqu’à l’égal des combats, et pour les causes les plus frivoles. Tirer l’épée pour une bagatelle était devenu l’accompagnement obligé des belles manières, et, comme la galanterie avait ses élégans, le duel avait ses raffinés. En quelques années, neuf cents gentilshommes avaient péri dans des combats particuliers. Pour arrêter ce fléau, Richelieu avait fait rendre au roi l’édit terrible qui punissait la mort par la mort et envoyait les provocateurs de la Place-Royale à la place de Grève. Richelieu fut inflexible, et l’exemple de Montmorency-Boutteville, décapité avec son second, le comte Deschapelles, pour avoir provoqué Beuvron et s’être battu avec lui, imprima une terreur salutaire et rendit assez rares les infractions à l’édit. Coligny brava tout: il fit appeler Guise, et, au jour marqué, les deux nobles adversaires, assistés de leurs seconds, d’Estrades et Bridieu, se rencontrèrent à la Place-Royale.

Nous pouvons donner les moindres détails du combat, grâce aux divers mémoires contemporains, grâce surtout à deux documens nouveaux, le manuscrit de Maupassant sur la régence et le journal inédit d’Olivier d’Ormesson.

C’est le 12 décembre au matin[1] que d’Estrades alla appeler le duc de Guise de la part de Coligny. Le rendez-vous fut pris pour le jour même, à la Place-Royale, à trois heures[2]. Les deux adversaires ne firent rien paraître de toute la matinée, et à trois heures ils étaient au rendez-vous. On prête[3] au duc de Guise un mot qui répand sur cette

  1. C’est d’Ormesson qui donne cette date.
  2. D’Ormesson, Maupassant.
  3. La Rochefoucauld.