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fait autrefois. J’espère que vous en userez aussi bien, et que je n’aurai point de regret d’être vaincue dans la résolution que j’avois faite de n’y plus retourner. Je garderai le logis trois ou quatre jours de suite, et l’on ne m’y verra que le soir : vous en savez la raison. »

Ces lettres n’étaient pas controuvées. Elles avaient été réellement écrites par Mme de Fouquerolles au beau et élégant marquis de Maulevrier[1], qui avait eu la sottise de les perdre dans le salon de Mme de Montbazon. Maulevrier, tremblant d’être reconnu et d’avoir compromis Mme de Fouquerolles, courut chez un des chefs du parti des importans, La Rochefoucauld, qui était son ami, lui confia son secret, et le supplia de s’entremettre pour assoupir cette affaire. La Rochefoucauld fit comprendre à Mme de Montbazon qu’il était de son intérêt de faire ici la généreuse, car on reconnaîtrait bien aisément l’erreur ou la fraude, dès qu’on en viendrait à confronter l’écriture de ces lettres avec celle de Mme de Longueville; qu’il lui fallait donc prévenir un éclat qui retomberait sur elle. Mme de Montbazon remit les lettres originales à La Rochefoucauld, qui les fit voir à M. le Prince et à Mme la Princesse, à Mme de Rambouillet et à Mme de Sablé, particulières amies de Mme de Longueville, et, la vérité bien établie, les brûla en présence de la reine, délivrant Maulevrier et Mme de Fouquerolles de l’inquiétude mortelle où ils avaient été pendant quelque temps[2].

Peut-être eût-il été sage de s’en tenir là. C’était l’avis un peu intéressé du faible et prudent M. de Longueville, qui voulait ménager Mme de Montbazon, et ne croyait pas que l’honneur de sa femme eût beaucoup à gagner à un plus grand éclat. Mme de Longueville n’était pas non plus fort animée; mais Mme la Princesse, avec son humeur altière et dans le premier enivrement des succès de son fils, exigea une réparation égale à l’offense, et déclara hautement que, si la reine et le gouvernement ne prenaient pas en main l’honneur de sa maison, elle et tous les siens se retireraient de la cour : elle s’indignait à la seule idée qu’on pût mettre un moment sa fille en balance avec la petite-fille d’un cuisinier, disait-elle, voulant parler de La Varenne, père de la comtesse de Vertus, et qui avait été maître d’hôtel d’Henri IV. En vain tout le parti des importans, Beaufort et Guise à leur tête, tint des assemblées, s’agita et menaça; en vain Mme de Chevreuse, qui n’avait pas encore perdu tout crédit auprès de la reine, soutint vivement sa belle-mère : Mazarin était trop habile pour se mettre sur les bras deux ennemis à la fois, et pour se brouiller avec les Condé sans aucun espoir d’acquérir ou de désarmer les Lorrains et les Vendôme. Il tourna aisément la reine du côté de Mme la Princesse. Mme de Longueville

  1. Voyez Mademoiselle, Mme de Motteville et La Rochefoucauld.
  2. Mémoires de La Rochefoucauld, collection Petitot, t. LI, p. 387.