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majesté épiscopale, Maxime bénit Priscilla, inclinée devant lui, et, sans presser la main l’un de l’autre, sans oser se donner le baiser de paix, tous deux se séparèrent dans un grand recueillement et un profond silence.

Avant l’aube du jour suivant, Priscilla était dans le lieu où chaque semaine elle attendait le passage d’Hilda : c’était un ancien bois sacré, et la chapelle avait été un sacellum dédié aux nymphes. Sans cesse on consacrait au culte chrétien des édifices bâtis pour honorer les divinités païennes, et souvent, comme ici, on laissait subsister le bois sacré à côté de la chapelle : contraste qui peignait la société de ces temps, dans lesquels des restes de l’ancienne croyance subsistaient encore à côté de la religion nouvelle.

Bientôt Priscilla vit la jeune esclave s’avancer plus pensive qu’à l’ordinaire vers le lieu désigné. Après avoir regardé autour d’elle, avec crainte, si nul œil caché n’épiait leurs pas, les deux femmes s’embrassèrent et entrèrent dans l’intérieur du bois. Priscilla se hâta de faire à la captive les questions qu’elle avait à lui adresser. Quand elle vint à parler du jeune Romain, Hilda rougit légèrement, et dit avec quelque vivacité : — Oh ! celui-ci, c’est un noble maître, c’est un seigneur bon et humain. Si vous aviez vu avec quelle chaleur il a demandé ma grâce à son père, et comme il semblait souffrir quand elle lui a été refusée ! Je n’aurais jamais cru qu’un Romain pût sentir une si tendre pitié pour une Barbare. Il n’a pas l’air sombre comme le seigneur Macer, lui ; il est doux et gracieux ; hier, il m’a paru ressembler au bienheureux saint George qui est peint au-dessus de la porte de la chapelle, au moment où il délivre la jeune fille promise à un dragon. Ses esclaves ont dit qu’il n’était point cruel pour eux ; ils prétendent que dans le pays d’où ils viennent, et qui s’appelle Athènes, les maîtres sont meilleurs qu’ici ; mais lui n’est pas de ce pays : comme la grâce de son sourire et de sa voix, sa bonté lui vient de Dieu.

Priscilla fut un peu alarmée en entendant ces paroles, dans l’accent desquelles on sentait l’impétuosité d’une nature forte à travers l’ardeur d’une ame ingénue ; mais elle reprit confiance en contemplant l’expression de céleste innocence empreinte sur le front et dans le regard d’Hilda. Elle se rappela les espérances que son frère avait laissé entrevoir au sujet de Lucius, avec cette ardeur de prosélytisme qui servit si merveilleusement la propagation de l’Évangile. Entraînée par l’exaltation naturelle de son ame aussi tendre que pieuse, elle s’écria : Que les saints anges te protègent, ma fille chérie ! Oh ! jamais une pensée de mon Hilda ne fera rougir le front de son père Maxime. Le Seigneur, selon ses merveilleux desseins, t’a placée dans une maison profane pour la sanctifier. Continue, vierge choisie de Dieu, continue à répandre en secret autour de toi la manne de sa doctrine, et le Dieu