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chercher à l’attirer, comme ils faisaient naguère, dans leurs temples étroits. Ce sentiment d’une unité spirituelle, ou, si nous osons nous exprimer ainsi, cet instinct d’une communion universelle explique le mouvement qui s’accomplit dans le monde entier : il nous aide à comprendre le langage de plus en plus catholique des luthériens allemands, les doctrines des puséyistes en Angleterre, les tendances des unitaires et des universalistes en Amérique, les doctrines singulières communes à toutes les races slaves et cherchées dans l’Évangile de saint Jean, les progrès accomplis par les swedenborgiens dans tous les pays protestans. Il rend compte aussi de l’accroissement rapide des catholiques aux États-Unis. Très nombreux déjà dans les états même d’origine puritaine, comme le Massachusetts, où ils ont trente-cinq églises, ils dominent dans certains états du nord et surtout dans ceux qui avoisinent la frontière du Canada. Les catholiques sont un élément de dissolution pour la religion protestante; ils sont aussi un puissant instrument de propagande et de civilisation pour les États-Unis. Ce sont les catholiques du Canada qui demandent avec le plus d’instances à être annexés aux États-Unis, espérant par là obtenir dans le congrès une prépondérance qui a manqué jusqu’à présent à leur religion. Néanmoins la propagande catholique, sauf le cas que nous venons de signaler, ne se fait pas d’une manière politique, elle suit les mœurs du pays et s’empare des faits qui lui sont les plus favorables. Désertant les états où la civilisation est triomphante, elle va chercher la barbarie, suit les traces des émigrans dans la prairie, et s’adresse surtout aux populations européennes. Le catholicisme s’est installé au sein du désert, au bord des grands fleuves, dans la vallée du Mississipi par exemple; il y a établi ses églises, ses hôpitaux, ses congrégations, et là, au milieu du silence et de la solitude, il attend patiemment l’arrivée des émigrans. Il devance les populations et reçoit les nouveaux barbares à mesure qu’ils arrivent.

Cependant, malgré ces désirs et ces aspirations vers l’unité morale perdue, l’esprit de secte résiste; il s’efforce, soit par des nouveautés, soit par des concessions aux mœurs ou même aux passions du siècle, de conserver son empire sur l’esprit des Américains; mais la tactique est grossière, elle se borne à combattre le courant des esprits, en s’appuyant sur des passions qui n’auront qu’un jour de durée. L’esprit de secte est réduit manifestement aux abois, ses dernières tentatives le prouvent. Qu’est-ce que le mormonisme, par exemple, cette faction odieuse et bizarre, sinon une tentative pour perpétuer l’esprit de secte en l’accommodant aux goûts du jour? Le mormonisme ne recule devant aucune des passions contemporaines; il pousse le fanatisme religieux jusqu’à la folie, afin de pouvoir l’accorder avec les passions révolutionnaires; il érige en lois, en maximes et en pratiques la licence des mœurs,