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de l’augmentation rapide de ses manufactures à peine à leur naissance, ce sont des bras anglais qui remuent les machines. L’accroissement des manufactures de l’Amérique n’a pas restreint ni limité les marchés anglais. La manie d’exalter à tout propos les États-Unis existe en Angleterre comme dans tous les pays du continent; seulement, tandis que nous, par exemple, lorsque nous exaltons les États-Unis, nous prononçons involontairement notre condamnation, les Anglais ne font que reconnaître leurs propres qualités, et lorsque les Américains se vantent de battre les Anglais, ils ne font qu’exprimer un désir d’émulation qui est une simple jalousie de famille, a C’est le lien du sang et du langage qui donne naissance à ce sentiment, dit M. Johnston, aussi bien que le désir de surpasser ce qu’il y a chez nous d’excellent. Ils parlent exactement d’après le même principe qui pousse nos mécontens anglais à ne voir de perfection que dans les villes, les institutions et les campagnes de l’Amérique du Nord. Nos mécontens, tout en exprimant ce sentiment, ne consentiraient jamais à émigrer dans aucune contrée européenne ni à corriger nos institutions d’après les modèles du continent. Ce n’est que le bonheur d’hommes de notre propre sang que nous jugeons supérieur au nôtre. »

Ces derniers mots sont significatifs et résument parfaitement tout ce que nous avons dit sur la différence qui sépare ces deux peuples de tous les autres et sur leur étroite ressemblance. La civilisation européenne répugnerait, M. Johnston le déclare, à un Anglo-Saxon, et ce fait suffit pour montrer de quelle importance est l’Amérique pour l’Angleterre. Quoique les États-Unis soient à bien des égards une nation rivale, l’insuccès de la grande expérience républicaine des États-Unis serait pour l’Angleterre plus fatale que la perte de quelqu’une de ses riches colonies. Les États-Unis confirment l’Angleterre dans ses principes et dans sa foi politique. Au moment où ces principes sont partout proscrits sur le continent après avoir été déshonorés et détestablement appliqués par des ignorans, des fous et des scélérats, au milieu de l’affaissement des nations et de l’universel abandon des principes de liberté, l’Angleterre, si elle pouvait douter d’elle-même, n’aurait qu’à tourner les yeux vers l’Amérique : elle y verrait réussir et prospérer non-seulement ses principes, mais l’exagération même de ses principes. M. Johnston fait très bien sentir cette influence morale de l’Amérique sur l’Angleterre, influence qui l’engage ix rester dans son isolement et à ne pas prendre exemple sur le continent, à ne pas se laisser effrayer par les malheurs de l’Europe et à considérer ces malheurs comme impuissans à la frapper; il fait très bien comprendre aussi cette sorte d’entente franc-maçonnique qui existe entre les deux peuples, qui fait qu’eux seuls se comprennent bien mutuellement. La plupart des événemens qui se passent en Amérique sont pour nous