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Francs se précipitaient vers la ville pour la piller, et l’on n’entendait plus dans l’amphithéâtre que le craquement des colonnes qui se fendaient ou le pétillement de la flamme calcinant les cadavres écrasés sous les ruines.

Dans l’église cathédrale de Trêves se passait une scène bien différente. Quelques chrétiens véritables s’y étaient rassemblés, avec leurs femmes et leurs enfans, pour y célébrer une dernière fois l’office divin. Les voix de ces chrétiens et le chant des prêtres s’élevaient alternativement vers le ciel avec le calme accoutumé. On n’eût pu reconnaître la présence du danger qu’à l’accent, encore plus recueilli, à l’expression encore plus fervente de la prière. Par momens, les flammes de l’incendie brillaient à travers les vitraux de la basilique, et un jour sinistre tombait d’en haut sur les fronts inclinés des fidèles ; on entendait d’horribles cris, qui ne les faisaient point tressaillir ; seulement ils se serraient toujours davantage autour de leur évêque. Maxime se tenait debout au pied de la chaire épiscopale, d’où il était descendu pour être plus près de ses fils dans le péril. À quelque distance, Priscilla, entourée des saintes femmes et des vierges tremblantes, tantôt levait avec ardeur les yeux vers le ciel, tantôt les tournait vers l’évêque avec une tendresse pleine de respect et mêlée d’une horrible inquiétude. Les mères approchaient leurs enfans des pieds de Maxime, et l’une d’elles avait caché le sien sous la robe épiscopale, tant l’évêque, qui dans la vie commune était le père et le juge de la communauté chrétienne, semblait, dans le désastre universel, être encore son dernier protecteur et son dernier refuge.

Maxime était saisi d’une profonde douleur en contemplant autour de lui tout ce peuple destiné à la servitude ou à la mort, et parmi ce peuple celle qu’il avait nommée son épouse et qu’il nommait maintenant sa sœur bien-aimée devant Dieu. Il rassembla toute l’énergie de son ame pour soutenir ses frères à ce triste moment. La religion seule pouvait trouver quelques paroles dans une telle extrémité. Maxime éleva les yeux et les mains vers le ciel pour en faire descendre sur lui les forces dont il avait besoin ; puis, s’adressant aux fidèles d’une voix triste, mais affermie par la foi, il leur dit ces simples paroles : — Frères bien-aimés, le temps des épreuves est venu ; il a plu au Dieu très bon de nous éprouver par de grandes misères, moindres pourtant que nos péchés et que son amour. Il importe que nous ne murmurions point contre la peine qu’il plaît au Seigneur de nous infliger, de peur que nos âmes ne perdent le fruit de notre châtiment et qu’il ne nous ait été envoyé en vain. Souvenons-nous de la constance des saints martyrs de la foi, et sachons comme eux attendre la mort avec fermeté. Si Dieu juge à propos de nous retirer de ce monde, voudrions-nous y rester contre son désir ? L’enfant que son père appelle à lui refuse-t-il d’obéir à sa voix ? Et d’ailleurs, ajouta Maxime avec un accent