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du général Claveria ne se fonda point dans de sanglantes escarmouches, mais dans des batailles rangées et de savantes campagnes; son renom, sans avoir l’éclat qui s’attachait ailleurs aux audacieuses entreprises des chefs christinos ou carlistes, fut celui d’un officier courageux et capable. C’était aux Philippines que l’attendait une gloire plus solide et plus durable. Des réformes importantes ont marqué le gouvernement qu’il exerça pendant une période de quatre années, de 1846 à 1850. Un expédition dirigée contre les pirates de Balanguinguy a couronné ces utiles travaux d’un beau trophée militaire. Le général Claveria eut, il est vrai, dans les derniers temps de son administration, un auxiliaire qui avait manqué à ses prédécesseurs. La vapeur vint favoriser ses projets de réforme et seconder son courage. Les courans qui règnent dans l’archipel, les brises faibles et inconstantes n’avaient point permis, avant 1848, d’établir des communications régulières entre les divers groupes des Philippines. Les alcades des Bisayas et de Mindanao ne recevaient qu’à de longs intervalles les ordres de Manille. On devine à combien d’abus cet isolement avait dû donner naissance. La piraterie, qui désolait les côtes, se perpétuait, comme la mauvaise gestion des alcades, à l’abri de cette funeste impuissance des navires à voiles. Les pros des Illanos trompaient aisément la poursuite des chaloupes canonnières, et, retranchés au centre des coraux de Balanguinguy, les pirates, dont l’archipel de Soulou était le lieu de recel, avaient repoussé, en 1845, une expédition considérable. En quelques mois, la vapeur a tranché toutes ces difficultés. Depuis l’arrivée du Sébastien del Cano, de la Reine de Castille et du Magellan sur les côtes de Luçon, un courrier visite régulièrement les îles de Zebù et de Panay. Les alcades, surveillés de plus près, ont perdu leur indépendance et secoué leur mollesse. En même temps, les féroces habitans de Balanguinguy ont vu le canon foudroyer leurs palissades et les échelles se dresser contre des murs qu’ils croyaient imprenables. La piraterie a été vaincue dans un de ces combats corps à corps qui rappellent les prouesses des anciens chevaliers et les hauts faits du Romancero. Même avant l’expédition récente de Soulou, c’en était fait de l’existence des pirates dans les Philippines; leur premier échec avait été mortel. La reine Isabelle a voulu ajouter au nom de Claveria le titre de comte de Manille. Jamais récompense ne fut mieux méritée. L’administration du général Claveria a inauguré une ère nouvelle dans les Philippines. Le général Urbistondo, pour assurer le bonheur et la sécurité des populations indigènes, n’a plus qu’à marcher sur les traces du comte de Manille. Il s’est déjà montré sur le champ de bataille le digne émule de son prédécesseur. Le combat de Soulou peut servir de pendant à celui de Balanguinguy. Dans cette affaire, où le général Urbistondo commandait en personne, ce n’est pas seulement la piraterie qui a reçu un dernier coup, ce sont les intrigues