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conquête des Philippines; mais ce code bienfaisant n’est point fait, il faut en convenir, pour encourager les entreprises agricoles.

Dans les Philippines, comme dans les autres îles de l’Archipel indien, la culture du riz doit avoir le pas sur toutes les autres cultures, puisque c’est elle qui assure la subsistance de la population. La culture du tabac occupe le second rang, car le tabac ne constitue point seulement la branche la plus productive du revenu public, il est aussi pour le paysan tagal un objet de première nécessité. Il se consomme annuellement dans la colonie plus d’un milliard de cigares. On n’en exporte que soixante-six millions. Douze mille femmes et un millier d’hommes sont employés toute l’année à transformer en cigares et en cigarettes les feuilles cultivées dans les provinces de Cagayan, de la Pampanga et de la Nouvelle-Biscaye, dans les districts occupés par les tribus indépendantes et dans les îles Bisayas. Le gouvernement s’est réservé le monopole du tabac; il l’achète à des prix fixés et met tous ses soins à en empêcher la contrebande. En 4849, 2 millions 300 mille kilogrammes de tabac en feuilles entrèrent dans les fabriques de Manille, de Cavité et de Navotas; 2 millions 500 mille kilogrammes furent expédiés en Espagne.

Quand on a nommé le riz et le tabac, le café, dont la France tend à monopoliser l’exportation, l’abaca, chanvre soyeux et tenace, dont les demandes croissantes des États-Unis ont encouragé la culture, l’indigo et le bois de sapan, on n’a point encore cité le produit qui, mieux que toute autre denrée, semble déterminer l’importance des diverses possessions coloniales. Après le coton et les céréales, c’est le sucre, on le sait, qui occupe le premier rang dans les échanges du globe. La consommation d’un kilogramme de café entraîne celle de trois kilogrammes de sucre. La production de cette denrée précieuse est encore dans l’enfance aux Philippines; elle s’est élevée cependant, depuis 1830, de 8 millions de kilogrammes à 25 millions : c’est à peu près la production de la Martinique ou de la Guadeloupe. L’île de Cuba, qui dispose du travail d’environ 400 mille noirs, a porté en 1850 le chiffre de sa fabrication à 200 millions de kilogrammes. On voit à quel degré de prospérité pourraient atteindre les Philippines, si l’on obtenait seulement du labeur volontaire de chaque Indien la moitié de la tâche qu’accomplit le nègre esclave dans l’île de Cuba.

La propriété de M. Vidie, exploitée avec une remarquable intelligence, nous offrait un échantillon des trois principales sources de revenu que présente ordinairement un domaine rural aux Philippines. Des rizières et des champs de cannes à sucre s’étendaient jusqu’au pied de la montagne. A l’abri des futaies répandues sur le flanc des collines croissaient les cafiers; des troupeaux de buffles et de bœufs du Bengale paissaient dans les prairies; des escadrons de poneys aux