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simplicité et d’insistance. Si on recherche avec soin la source des torts qu’il put avoir avec elle, et qui se réduisent à quelques paroles dures, on est conduit à les attribuer presque exclusivement, non à la crainte des salons, mais à celle de prêter à rire aux gens qui décachetaient les lettres de par le roi. Cette puérilité a perdu son cœur de réputation. Cependant le spectacle de l’Angleterre ne cessait pas d’être fort animé. Dès 1768, lord Chatham avait abandonné le ministère qu’il n’aurait jamais dû former. Bientôt le duc de Grafton quitta la partie, et lord North devint le chef de cette administration si opiniâtre, si imprévoyante, qui n’en devait pas moins durer douze ans, tout en prouvant que beaucoup de fermeté, d’application, de sang-froid et d’expérience peuvent faire un très mauvais gouvernement. C’est le temps des grandes scènes populaires. Wilkes continua d’agiter la Cité, dont Chatham redevint l’idole. Ses rares et théâtrales apparitions dans la chambre des lords étaient autant d’événemens, et son éloquence toujours pleine d’éclat et de véhémence, mais flottante au gré d’une imagination passionnée dans la liberté inconséquente d’une opposition violente et décousue, prêtait à ses derniers jours une grandeur pathétique où l’histoire de l’art trouve peut-être plus à admirer que l’histoire politique. En même temps, Burke se saisissait de l’attention du monde par la puissance de sa plume et de sa parole, et portait dans la discussion des affaires une richesse d’idées jusqu’alors inconnue. Il marchait au premier rang de ces whigs réformateurs, destinés à représenter un jour, après de laborieux efforts et de longs revers, le libéralisme dans le gouvernement. Sans les suivre en toutes choses, et quoiqu’il dût les abandonner plus tard, Walpole inclinait à l’opposition ; son esprit aimait la critique, et la critique, c’est de l’opposition ; il goûtait le talent, et le talent était du côté de l’opposition. Conway s’était retiré du pouvoir en demeurant fidèle aux principes d’une modération libérale. Enfin, sur la grande question de l’Amérique, Walpole n’avait jamais approuvé la politique inaugurée par Grenville, et qui, à travers huit ans de combats, alla expirer sur les remparts de Yorktown. George III ne connaissait que la force, et ni lui ni son gouvernement ne savait l’employer. Walpole, qui n’admirait ni la force ni la guerre, ne pouvait applaudir à une conduite qui, après avoir mis les armes aux mains de la métropole et de ses colonies, devait donner à la France l’occasion de les reprendre et de se venger de la paix de 1763. Quoique peu ami des réformes qui lui paraissaient introduire le puritanisme dans la politique, quoique ennemi des révolutions qu’il commençait à redouter et qui menaçaient de compromettre, en la dépassant, sa chère révolution de 1688, il applaudit ou du moins souscrivit à cette indépendance américaine, qui, semblable à la Cornélie des Gracques, devait être l’irréprochable et noble mère d’autres