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La mort de George II ne parut pas d’abord troubler le cours de cette triomphante politique ; mais, avec son successeur, destiné à tant de misères, et dont le long règne devait laisser l’Angleterre si puissante, le torisme monta sur le trône. Les habitudes contractées dans la petite cour de sa mère, la princesse de Galles, un esprit étroit et défiant, la prétention obstinée moins de gouverner que de choisir arbitrairement les dépositaires du gouvernement, une répugnance d’instinct et de routine contre toute réforme, le goût des subalternes et des médiocres, une probité sans loyauté, une opiniâtreté sans lumières, devaient faire de George III un roi dangereux pour la constitution britannique, si la démence ne l’eût remis à sa place en le désarmant pour jamais. Au commencement de son règne, il conçut la pensée de ressaisir la prérogative aliénée, disait-il, par son grand-père, et, comme celui-ci avait réussi dans la guerre, il ne crut pouvoir l’effacer que par la paix. Cette paix, un peu précipitée, détermina la retraite de Pitt ; le duc de Newcastle ne put même se maintenir qu’autant qu’il le fallait pour bien constater qu’il avait abandonné son noble collègue et leur politique commune. Lord Bute, son successeur, installa au pouvoir l’esprit tory, aggravé par le favoritisme, et après lui le caractère impérieux de George Grenville, qui n’était rien moins qu’un favori, fit faire de nouveaux pas dans le sens du pouvoir arbitraire par les fautes célèbres qui suscitèrent Wilkes et Junius, et provoquèrent la révolution d’Amérique.

C’est alors qu’Horace Walpole fut décidément de l’opposition. Il suivit son meilleur ami, le général Conway, qui s’élevait à un rôle parlementaire important, et qui, pour son vote dans une question fameuse, celle de savoir si les mandats d’arrestation pouvaient être généraux et non nominatifs, se vit destituer de ses charges de cour et de ses commandemens militaires. Sa cause, qui devint une affaire de principe, fut chaudement épousée par Walpole ; il écrivit même un pamphlet pour la défendre, et il offrit sa fortune à son ami. Cependant il commença dès-lors à se dégoûter de la vie publique : la jeunesse était passée, il avait quarante-sept ans (1764). La goutte, dont il avait, fort jeune, ressenti les atteintes, revenait, à de plus courts intervalles, lui rendre plus nécessaires la retraite et l’inaction. Sa passion pour Strawberry-Hill était dans toute son ardeur. Ses relations et ses travaux littéraires prenaient une grande part de son activité. Enfin il projetait un voyage à Paris, où le frère aîné de Conway, le comte de Hertford, remplissait les fonctions d’ambassadeur. En attendant qu’il l’y rejoignît, il s’était chargé du soin de le tenir exactement informé de tous les mouvemens de la politique et de la société. Il lui écrivait sans cesse avec la confiance d’un ami qui est sûr d’être conquis, avec l’attention d’un ami qui veut plaire, enfin avec l’habileté d’un ami qui veut