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cherchait du moins cette science du gothique qui s’est retrouvée après lui et qui fut une mode avant d’être une science. Lorsqu’un genre s’établit, lorsqu’une école se forme, il est rare qu’elle débute par le beau et par le vrai. Ceux qui ouvrent le chemin sont sujets à s’égarer, et l’exagération, chose singulière, précède souvent la simplicité. Les idées de Horace Walpole sur l’art gothique paraissent assez saines lorsqu’il écrit, sa critique est judicieuse, ses admirations motivées, et il a bien apprécié plusieurs des monumens laissés par le moyen-âge sur le sol britannique ; mais la pensée de fabriquer du gothique en petit, de l’appliquer aux usages modernes, n’est pas à l’abri de la censure ; elle est d’une exécution difficile, et elle a donné naissance à bien des essais lamentables. Le sien même est médiocrement heureux. Cet édifice en plâtre, avec ses tours, ses créneaux, ses galeries, ses ornemens pointus, est un pastiche indécis et mesquin, lourd et maniéré, un peu château, un peu chapelle, une vraie décoration de théâtre qui lui servit à signer indifféremment ses lettres le lord ou l’abbé de Strawberry-Hill. De là sont venues d’innombrables imitations qui n’avaient même plus le mérite d’être l’œuvre d’une manie originale. Certaines formes, belles dans les grandes proportions, convenables dans un édifice sérieux, assorties à une destination religieuse ou guerrière, ont été transportées dans la médiocrité de nos habitations domestiques, et les motifs d’architecture qu’admettait une église ou une forteresse ont figuré dans une laiterie ou décoré un colombier. Le château de Walpole ne prétend pas même à l’illusion de la réalité ; il n’est pas construit en matériaux solides. C’est une croquante féodale qui aurait besoin d’être souvent recrépie, souvent repeinte, fort inférieure aux derniers progrès de l’art rétrospectif dont elle est un début. Cet art contestable, on l’a perfectionné sans cesser d’en abuser. Abbotsford, par exemple, où Walter Scott a tour à tour transporté et imité de précieux débris de l’abbaye de Melrose, est un spécimen plus heureux de cette sorte de rénovation archéologique. La magnificence d’Eaton-Hall, château gothique moderne des Grosvenor, dans le voisinage de Chester, étonne les yeux éblouis. Des architectes intelligens ont reproduit avec un vrai succès le style anglo-normand dans quelques-unes des nombreuses églises élevées depuis ces derniers trente ans, et quoiqu’on puisse reprocher un peu de monotonie à son excessive richesse, le nouveau palais des deux chambres de parlement est un de ces monumens grandioses qui illustrent un artiste et honorent une nation.

Mais il faut se rappeler que Walpole commençait. En cela comme en beaucoup d’autres choses, il donnait l’éveil. Peut-être le gothique lui plaisait-il, parce que c’est ce que les gens du métier appellent un style amusant. Il s’amusait beaucoup, en effet, à Strawberry. Autels antiques, sculptures romaines, colonnettes ou moulures arrachées à