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royauté avec une liberté presque républicaine. « Mes principes ne pourront jamais devenir monarchiques, » écrivait-il encore en 1766, et l’on a cité souvent ce qu’il raconte à George Montagu : « Je vous crois assez whig pour me pardonner ; mais aux deux côtés de mon lit j’ai suspendu Magna Charta et la sentence de Charles Ier au bas de laquelle j’ai écrit : Major Charta, vu que je pense que, sans la seconde, la première, par le temps présent, serait de très médiocre importance. » Ainsi ce frivole homme du monde, cet élégant oisif qui se pique peu de rigorisme et d’inflexibilité, ne se dégoûta pas, pour quelques mécomptes, des lois de son pays : il se contenta d’en juger sévèrement les mœurs. Il se vengea sur les vices et les ridicules de son époque. Il lui arrive de parler de sa nation comme de la plus extravagante de toutes. Il a écrit un essai pour prouver que les Anglais sont incompréhensibles. Le contraste des sérieuses passions d’un peuple libre avec les futiles travers d’une société raffinée est pour lui un perpétuel sujet de malignes observations : on croirait par momens qu’il ne méprise rien tant que l’Angleterre ; mais, heureusement pour ses compatriotes, il voyagea en France.

Attendons-nous donc à le voir dénigrer à plaisir les administrations qui se succéderont sous ses yeux. Ce n’est pas qu’il les attaque par ses votes ; il ne se presse point de passer dans l’opposition ; il ne dément pas le nom qu’il porte, et ce n’est pas au pouvoir qu’il en veut. Après son père, la politique du gouvernement resta dans le sens de la révolution, — conservatrice de 1688 : à cela il ne pouvait trouver à redire ; mais on ne réformait aucun abus ; la corruption gardait son niveau. Seulement ceux à qui elle profitait la trouvaient excellente, après l’avoir condamnée. Walpole ne se lassait pas de le leur rappeler. Il n’oubliait qu’une chose, c’est qu’en les jugeant il condamnait souvent lui-même, à son tour, ce qu’il avait autrefois approuvé.

On sait qu’à la mort de lord Wilmington (1743), le frère du duc de Newcastle, Henry Pelham, était devenu premier ministre, et cela par les conseils du comte d’Orford, qui réussit de nouveau à évincer Pulteney. Il eut même encore, avant de mourir, le plaisir d’aider le cabinet à se délivrer de lord Granville, qui conserva seulement une secrète influence auprès du roi, et une administration terne et prudente se forma, qui gouverna paisiblement l’Angleterre jusqu’en 1754. On a nommé Pelham un diminutif de Walpole ; il n’avait, en effet, qu’une réduction des talens de son modèle, dont il atténuait les défauts aussi bien que les qualités. Moins décidé, moins courageux, mais moins tyrannique et moins confiant, il sut amortir toute opposition. On eût dit que les partis avaient abdiqué. Horace ne pouvait revenir de cet apaisement général ; il en arrivait à douter de la réalité des passions humaines, et, poursuivant d’un ressentiment fidèle les