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Voici la nuit amoureuse
Propice au désir.


Accompagnée par un dessin charmant et continu des premiers violons entremêlé de quelques soupirs qu’exhale la flûte, la mélodie suave qui forme le thème de ce chœur se balance sur un rhythme plein de morbidesse. Le chœur des suivantes fidèles, qui est, pour ainsi dire, l’anti-strophe de celui qui précède, est d’un caractère plus sévère, dont on n’a pas le temps d’apprécier toute la distinction. L’acte se termine par la répétition du premier chœur. La mélopée que déclame le coryphée Phemius au commencement du troisième acte, au moment où les amans de Pénélope s’abandonnent à la joie bruyante et immodérée du festin, n’est pas heureuse, et rappelle une foule de lieux communs mélodiques qui ont été inspirés par le même sujet. Le chœur qui s’enchaine à cette mélopée vulgaire, sans être non plus très original, est mieux réussi, surtout dans la péroraison, où l’entrée successive des ténors, des basses et de toutes les voix de femmes réunies, produit une explosion d’un effet vigoureux. Enfin la pièce se termine par un chœur d’une allure solennelle dans lequel tout le monde a retrouvé une réminiscence assez heureuse d’un chœur de Handel.

Quatorze morceaux d’ensemble entremêlés de nombreux épisodes symphoniques, c’est évidemment un peu trop de musique pour une tragédie. Ces morceaux d’ailleurs n’y sont pas toujours amenés par la logique des situations, par le besoin de faire intervenir les personnages secondaires dans le développement de la fable. Dans un poème où l’action est presque nulle et dont les principaux événemens sont prévus d’avance, la musique semble encore plus un hors-d’œuvre que dans un drame plein d’incidens. Forcé de se tenir dans le cercle étroit que lui avait tracé le poète, le compositeur s’en est tiré avec une grande habileté en variant autant que possible l’expression de sentimens qui sont presque tous de la même nature. Le second chœur des porchers, d’une couleur si vigoureuse, au premier acte, celui que chantent les suivantes infidèles et l’anti-strophe d’un accent plus sévère et plus noble des suivantes fidèles au second acte, ainsi que le chœur plus complexe du troisième acte, où sont combinés tous les élémens dont pouvait disposer le compositeur, sont des morceaux remarquables qui font honneur à M. Gounod. Sans doute, les idées de M. Gounod ne sont jusqu’ici ni très variées, ni très abondantes, ni très neuves. On retrouve dans les chœurs d’Ulysse beaucoup de réminiscences de son opéra de Sapho; cela s’explique et s’excuse en partie par l’analogie des deux sujets, et peut-être aussi par le rapprochement qu’on pourrait facilement établir entre le talent de M. Emile Augier et celui de M. Ponsard. Il est temps que M. Gounod change de thème et qu’il entre franchement dans le domaine de l’art moderne. Disciple de Gluck et de Sacchini, dont il semble combiner la manière solennelle avec la fluidité, la grâce et la lumière de Mozart, M. Gounod est un artiste de mérite, un musicien de bonne race, dont le goût et la distinction de style promettent un compositeur à la France.

Le théâtre de l’Opéra-Comique a fait aussi une petite évolution en dehors de son répertoire habituel. Le sujet de Galatée, l’une des plus admirables fictions de la poésie antique, qui a été si souvent arrangé pour le théâtre.