Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le meilleur de son temps était absorbé par ses déplacemens continuels. Il va pour réparer sa santé à Bordeaux, chez un oncle de sa femme, riche marchand anglais, et là visite tout naturellement la maison de Montaigne et les lieux témoins de la mort des Girondins, sur lesquels il envoie à Carlyle quelques renseignemens pour son Histoire de la Révolution. Chassé de Bordeaux par le choléra, il va à Madère, et là écrit quelques-uns de ses meilleurs essais pour le Blackwood’s Magazine, dont le directeur, le célèbre professeur Wilson, si connu sous le pseudonyme de Christophe North, appréciait et aimait beaucoup Sterling. Il quitte Madère, arrive en Angleterre; à peine a-t-il touché ces rivages, que le mal reparaît et qu’il faut fuir de nouveau. Il s’enfuit en Italie et retrouve la santé au milieu des palais de marbre, des jardins et des églises catholiques. De Florence et de Rome sont datées bien des lettres à ses parens et à ses amis sur les arts et les cérémonies religieuses; mais aucune n’a pour nous l’importance de celle qu’il écrit à son fils, enfant de sept ans, et qui révèle tout un homme. La longueur de cette lettre ne nous permet de la faire connaître qu’en abrégé et par un seul extrait. Il engage son jeune enfant à l’étude, lui fait la description animée de tout ce qu’on peut apprendre dans les livres, et il termine ainsi, après lui avoir dit que tout Anglais doit désirer savoir comment l’Angleterre est arrivée à posséder son parlement, ses lois et ses flottes, qui voyagent sur toutes les mers du monde : « Mais il y a une obligation plus sérieuse encore pour vous, mon cher enfant, c’est d’être obéissant et doux, de commander à votre caractère, de penser au plaisir des autres plutôt qu’au vôtre propre, de penser plutôt à ce que vous devez faire qu’à ce que vous aimez à faire. Si vous voulez être bon et sage, vous trouverez dans les livres un grand secours pour arriver à la sagesse aussi bien qu’à la science, et au-dessus de tous les autres livres s’élève la Bible, qui nous enseigne la volonté de Dieu et le grand amour de Jésus-Christ pour Dieu et les hommes. » Nous n’ajouterons qu’une réflexion : le ton de cette lettre écrite à un jeune enfant de sept ans est tel qu’on en écrirait à peine une semblable chez nous à un jeune homme de seize ans. Cette lettre explique pourquoi il n’existe que dans les pays protestans une littérature pour les enfans qui soit autre chose qu’un recueil de contes ridicules et de maximes niaises. En Angleterre, comme dans tous les pays où le protestantisme est établi, on traite les enfans, non comme des idoles ou de jolis petits animaux, mais comme de petits hommes ayant en eux le germe de leur vie future et capables de responsabilité. Le mot de Wordsworth : « L’enfant est le père de l’homme, » y est accepté comme une vérité.

Sterling revient d’Italie : nouvelle fuite, cette fois au sein de l’Angleterre, à Clifford, près de Bristol, où il écrivit son article sur