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alors se présenta la question des débuts. Un journal qui existe encore aujourd’hui, l’Athenœum, excellent recueil littéraire, venait d’être fondé. Sterling, par l’intermédiaire de quelques amis, y fut introduit, et fournit à l’Athenœum une série d’articles historiques et de petites compositions allégoriques très remarquables, si l’on songe à l’âge de l’écrivain : il avait alors vingt-deux ans. Les petits contes allégoriques qu’il y donna et que j’ai sous les yeux rappellent sous une forme moderne et romantique les compositions du même genre publiées dans les journaux d’Addison et de Johnson, et ceci me fournit l’occasion de dire en passant qu’il y a bien plus qu’on ne le croit de cette tradition allégorique dans la littérature anglaise moderne; les magazines et les recueils anglais en témoignent. Ces articles étaient écrits dans Regent-Street, où il habitait alors et où se réunissait souvent toute la jeunesse littéraire du temps, les amis de Sterling et, par occasion aussi, les amis de ses amis, figures passagères, ombres qui ne laissaient pas de traces dans sa vie. Ouvert, cordial, généreux, très insouciant, très enclin à s’enchanter du présent, tel était Sterling à cette époque. A toutes ces qualités il ajoutait une activité singulière, une grande ardeur pour le travail et une grande facilité à changer de place et de lieu. Sterling ne prenait guère racine nulle part; il n’aimait pas l’assiduité, et les douceurs de l’habitude avaient peu de prise sur lui ; il va ici et là indifféremment, avec la vélocité d’une locomotive, près des lacs de Cumberland rendre une visite à Wordsworth, à Highgate chez Coleridge, à Paris, où il est mis en rapports avec l’école saint-simonienne qui commençait alors; puis il revient à Londres pour écrire quelque article sur Fanny Kemble, par exemple, qu’il connaissait et admirait d’une admiration qui touchait à des sentimens plus tendres, paraîtrait-il, ou pour causer avec ses amis de réforme électorale, de libéralisme, des espérances de l’humanité, de la mort prochaine de la superstition. Vifs mouvemens, passions légères, ardeurs à fleur d’ame, limpides désirs, voilà de quoi se compose la jeunesse de Sterling.

Deux événemens vinrent clore d’une manière solennelle et tragique cette période de jeunesse et de radicalisme. Sterling visitait souvent Coleridge, qui, comme un sage retiré du monde, vivait alors à Highgate-Hill, chez les époux Gilman, et qui là rendait ses oracles à la jeune génération avide de l’entendre. Les conversations de Coleridge étaient alors célèbres dans toute l’Angleterre, et, si nous en jugeons par certains spécimens, elles méritaient leur réputation : elles étaient surtout remarquables par le phénomène que les psychologues ont baptisé du nom d’association des idées. Coleridge était alors, en 1828, resté, sous le rapport de l’éloquence, tel que Charles Lamb, son collègue à l’hôpital du Christ, nous le décrit dans son adolescence, discutant avec animation sur les mystères de la cabale et des alexandrins. C’était un homme