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Wellington. Carlyle cite une lettre de Peel écrite à Edouard Sterling après sa première administration et la réponse de ce dernier, et il a raison d’ajouter que cette correspondance est honorable pour tous les deux. Robert Peel n’avait jamais vu le journaliste qui avait défendu son administration avec une constance et une vigueur singulières, Edouard Sterling n’avait jamais vu l’homme à la défense duquel il s’était dévoué : curieux exemple des mœurs politiques anglaises! À cette admiration constante et immuable pour Peel et Wellington, Edouard Sterling joignait une haine également constante et immuable pour O’Connell : ce sont les seuls hommes qu’il ait honorés de sentimens invariables. Tel était le père de John, — Edouard Sterling, — dont la plus grande période de célébrité est comprise entre 1830 et 1840.

La première enfance de John Sterling s’écoula en Écosse, parmi les cascades, les bruyères et les montagnes de ce pittoresque pays. Il ne conserva que peu de souvenirs de ses premières impressions, qui ne commencent à prendre racine dans sa mémoire qu’au milieu d’un tout autre paysage plus bruyant et moins naturellement beau certainement, la ville de Paris elle-même. 1814 était arrivé, la première restauration accomplie, et toute l’Europe, comptant sur la paix, se précipitait sur Paris et lui faisait subir une invasion nouvelle plus pacifique que l’autre, mais conséquence naturelle de celle-là. Edouard Sterling, alors établi dans le pays de Galles, part poussé par son esprit aventureux et par de vagues espérances, emmenant avec lui toute sa famille, et va s’établir à Passy. Ce spectacle nouveau n’apportait pas à l’esprit de John, comme les paysages du pays natal, des impressions lentes et suaves. « Les choses nouvelles et les expériences nouvelles se précipitaient dans mon esprit, écrivait-il plus tard, non par flots, mais par cascades énormes comme le Niagara. » Tout à coup un bruit soudain fait tressaillir la terre, c’est le retour de l’île d’Elbe. L’Europe est de nouveau en émoi, et, au milieu de cette confusion nouvelle, la famille Sterling se voit forcée de fuir au plus vite et d’aller revoir des rives plus paisibles et moins sujettes au changement.

Edouard Sterling se fixa dès-lors à Londres et n’en sortit plus. Sa famille était nombreuse; la mort la réduisit à deux enfans, John et un autre garçon du nom d’Anthony, qui plus tard embrassa le métier des armes. Cinq fois en six années, John eut à suivre le convoi de ses frères, dont trois moururent en une même année. C’est un de ces premiers enseignemens qui ne s’oublient jamais, et où Sterling put apprendre ce que sont l’angoisse et la douleur. Quant à son éducation, elle se faisait comme elle pouvait au milieu de ces changemens et de ces désastres répétés. Jamais enfant n’a changé aussi souvent de maîtres que John Sterling. Il va de Greenwich à Blackheath, de Glasgow à Cambridge; sans cesse il passe de la direction d’un professeur sous