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long des pentes qui conduisaient à la rivière, dix-huit cents Kabyles environ se trouvaient rassemblés; sur leur droite, à trois cents mètres, un groupe de deux cents cavaliers était réuni autour d’un grand drapeau facile à reconnaître pour celui du chérif. Le lieutenant-colonel, prévenu sur-le-champ par les éclaireurs. se hâta de gagner la tête de colonne. Tandis que les soldats, sortant un à un de la gorge, se massaient lentement, mettant pied à terre, il examinait le terrain et donnait les ordres pour l’attaque. Un bataillon du 36e de ligne et un détachement du 3e chasseurs d’Orléans devaient garder le convoi. Le reste de l’infanterie, légion étrangère et 5e bataillon de chasseurs d’Orléans, sous les ordres du commandant Soumain, traverserait la rivière et aborderait de front l’ennemi pendant que le lieutenant-colonel, avec la cavalerie et le goum du capitaine Lapasset, gagnerait sur la gauche, par un mouvement tournant, les sommets des crêtes et prendrait les Kabyles entre deux feux. Le signal est donné; la manœuvre commence. Embusqués dans les rochers, tapis dans les buissons et les fourrés qui les protègent, les gens du chérif engagent une vive fusillade. Les chasseurs les abordent à la baïonnette, les pourchassent dans leurs repaires. La cavalerie, qui a gravi les escarpemens de gauche, paraît contre le marabout et descend à la rencontre de l’infanterie. Les Kabyles surpris hésitent, tentent la fuite, ne songent plus qu’à se dérober à nos coups; mais les soldats, acharnés à la vengeance, les poursuivent sans relâche, sans pitié. Tout le terrain se couvre de morts, et le Bou-Maza, témoin impassible de la ruine des siens, s’éloigne en toute hâte sans essayer de leur porter secours. A deux heures commençait l’attaque; à cinq heures, la lutte était terminée, nos soldats essuyaient la sueur glorieuse du combat, — et à six heures blessés et survivans étaient établis au bivouac, sur la rive gauche, non loin de l’endroit où flottait le drapeau du chérif.

Cette bonne rencontre, où la hardiesse et la rapide décision du chef avaient valu une fois de plus le succès à nos armes, changea la situation des affaires. Le Bou-Maza fut contraint de se retirer dans la partie la plus difficile du Dahra, et plusieurs tribus se rapprochèrent de nous. La colonne d’Orléansville, qui avait alors quelques instans de répit, vint à cette époque réunir ses forces à celle de Tenez; mais leur action commune ne fut pas de longue durée. Elles avaient à peine eu le temps d’exécuter par une marche de nuit un coup de main sur les Ouled-Youness, cette tribu berceau de la révolte, qu’un ordre du gouverneur-général rappela les troupes d’Orléansville près de lui, et le lieutenant-colonel Canrobert dut pourvoir seul de nouveau à toutes les éventualités. Du marabout d’Aïssa-ben-Daoud, sur le penchant du coteau qui borde la plaine de Metaouri, non loin de la vallée du Chéliff, le colonel maintenait