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de même de l’Italie : d’un bout de la péninsule à l’autre, c’est aujourd’hui un mélange de silence et d’abattement où on sent bien des impossibilités secrètes. Rien ne s’y fait, rien n’y aboutit ; l’anarchie est tenue l’épée à la gorge, et la paix véritable, l’ordre politique semble ne point faire de progrès. Les influences révolutionnaires sont là encore présentes, agissant sur les populations par la terreur ou par la séduction. Les émissaires de M. Mazzini échappent à toute surveillance et vont placer l’emprunt, le fameux emprunt que vous savez, destiné à suffire aux opérations de la démagogie. Rien n’est plus curieux que de voir cette démagogie dictant ses lois et ses décrets dans l’ombre, et renouvelant la carte politique de l’Italie. Quant aux événemens qui se passent autour d’elle, que lui importe ? Elle décrète solennellement la réunion de la Toscane et des États Romains comme en pleine année 1848, et cela par un bulletin de l’Association nationale italienne du 20 août 1852 ! « Cette année est solennelle, dit le décret sous le no 108 ; elle fortifie ceux qui aiment et désirent l’unité républicaine, elle dissipe plus que jamais les illusions des fédéralistes, elle frappe au cœur les partisans des monarchies constitutionnelles et tombe comme un poids mortel sur les tyrans… » Voilà donc l’union des États Romains et de la Toscane bel et bien accomplie moralement, comme le dit avec la confiance du triumvir l’Italia e Popolo ; voilà quels rêves humanitaires font ces Épiménides désastreux ! Et pendant ce temps la réalité suit son cours. Ces folies vont faire des victimes, et se paient de la vie ou de la liberté de quelques malheureux. Dans la Lombardie, les condamnations rigoureuses se succèdent, et ne sont tempérées que par la prudence du maréchal Radetzki. En Toscane, les suites de la révolution de ’1848 se déroulent aussi : Guerrazzi passe devant une cour de justice après trois ans de captivité. On peut se souvenir des procès de même nature jugés à Naples. Dans les États Romains, la paix n’est maintenue que par la présence de nos troupes. Le bruit s’est répandu un moment de la prochaine évacuation des états pontificaux par l’armée française : ce bruit a été démenti par le Moniteur, et ce qui le dément encore plus, c’est la nature des choses, c’est la situation de Rome. Le général de Cotte, envoyé en Italie, et qui a toutes sortes de titres pour exercer utilement un commandement à Rome, a sans doute pour mission d’observer cette situation. Les forces françaises venant à manquer, il est fort à craindre que la révolution ne se déchaînât de nouveau. À cela, vous répondrez que l’armée autrichienne serait là, et c’est justement pourquoi l’armée de la France n’évacuera pas le territoire pontifical de si tôt. Nous ne croyons pas que le gouvernement romain s’y méprenne, et soit nullement disposé à réclamer cette évacuation. Il y a cependant pour lui, dans le rétablissement d’une paix solide à Rome, un grand rôle à remplir : ce rôle réside dans l’initiative de toutes les mesures justes, des améliorations pratiques, des réformes qui ne touchent point à la constitution même de l’église. Et, dans tous les cas, n’est-ce point un triste spectacle que cette stérilité dont la révolution est venue frapper les intentions généreuses de ce grand et doux pontife qui semblait ouvrir à son avènement une ère nouvelle pour Rome et pour l’Italie entière ?

Tournez-vous vos regards vers l’autre péninsule méridionale, vers l’Espagne et le Portugal ? Ici la vie politique revêt un autre caractère. L’Espagne