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à se secourir, à s’éclairer et à se stimuler mutuellement. Ah ! S’il s’agit d’étendre sur le pays des ramifications occultes, de former des centuries et des décuries, de tenir sans cesse en éveil des contingens d’insurrection, quel zèle, quelle intelligence des ressources de l’association ne déploie-t-on pas ? Voilà pourquoi, dans les heures de crise, il ne reste plus en présence que ces terribles armées secrètes et le gouvernement, — seule barrière ; efficace, seul moyen de défense contre l’invasion de l’anarchie organisée.

Où est encore la politique aujourd’hui ? demanderez-vous. Elle est dans cette publication volumineuse et récente de l’administration des douanes, où est exprimé en chiffres tout le mouvement commercial de la France en 1851. Les chiffres, sans doute, sont peu attrayans de leur nature ; la statistique est peu romanesque, elle n’a point le charme des lectures qui enflamment l’imagination. Ces documens sont précieux cependant, ils constituent peut-être le premier livre où puisse s’instruire le véritable homme d’état qui veut fonder la politique sur l’observation des intérêts pratiques. On raconte de lord Bentinch, qui avait été toute sa vie un héros des courses et de l’élégance anglaise ; que, lorsqu’il voulut, peu d’années avant sa mort, se lever comme le champion de la protection en face de Robert Peel, il commença par se livrer à une vaste enquête sur tous les intérêts agricoles et industriels, par éplucher les tarifs, accumuler les renseignemens, s’assimiler les résultats du commerce de son pays, et, ce travail obstinément poursuivi et accompli, l’homme du turf, transformé en leader des communes, savait plus que des chiffres il connaissait les secrets ressorts de la puissante Angleterre. Lord Bentinck agissait en homme d’état anglais. Ouvrez aujourd’hui ces immenses et méthodiques tableaux du commerce : en réalité, à travers les chiffres, ce que vous découvrirez, c’est la vie même du pays se résumant en quelques questions précises. — Quelles ressources diminuent ou se développent ? Quels intérêts sont en souffrance ? Vers quel point du monde l’influence de la France tend-elle à s’agrandir ? Quels sont les rapports exacts entre les événemens politiques et le mouvement commercial ? Mettez le chiffre de ce déficit commercial de plus de 600 millions en regard de l’année 1848 : quel commentaire plus éloquent d’une révolution ! On semblait récemment en Belgique montrer assez de dédain pour le traité de 1845 : or quels ont été les résultats de ce traité ? Un accroissement de 46 pour 100 dans le commerce international de 1846 à 1851. Le mouvement d’échanges entre les deux pays est monté de 184 millions à 317. La Belgique est passée du cinquième rang au troisième dans nos relations ; elle n’est primée que par l’Angleterre et les États-Unis, et, dans cet accroissement elle a la part la plus grande (181 millions). L’Angleterre compte dans nos rapports commerciaux pour 163 millions, les États-Unis pour 366. Un des pays le plus en progrès peut-être dans ses relations avec nous, c’est le Brésil. Nos échanges avec le Brésil se sont élevés, entre 1846 et 1851, de 47 millions à 73. Avec toute l’Amérique du Sud, le commerce de la France est monté dans le même intervalle de 93 millions à 171. En somme, le chiffre général du commerce de la France en 1851 est de 2,787 millions, — 1,158 millions à l’importation, 1,629, à l’exportation. L’augmentation le notre commerce extérieur en 1851 a été de 82 millions seulement ; elle avait été de 140 millions en 1850 et de 550 en 1849, et ce qu’il y a à remarquer, c’est