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on n’a point de peine à se désaccoutumer du spectacle quotidien des clubs, des processions patriotiques, des exhibitions factieuses. Avec un peu de bonne volonté, il n’est pas difficile, sauf à ne le point avouer peut-être, de se résigner à n’avoir plus chaque matin à interroger le sphinx révolutionnaire pour savoir ce qu’il lui plaira de faire de vous, de votre industrie, de votre travail, de votre fortune, de la paix de votre foyer. Aussi bien, tout cela n’était point l’activité saine et régulière ; c’était la fièvre, et on accepte très bien d’être délivré de la fièvre. Seulement, l’accès furieux passé, il reste cette espèce de lassitude indéfinissable qui se traduit dans la vie d’un pays par l’absence d’un mouvement prononcé et organisé en dehors du cercle où agissent les pouvoirs publics.

Les événemens deviennent de plus en plus rares, ou passent inaperçus. Il semble que les incidens mêmes qui se produisent n’excitent aucun intérêt. Des élections vont avoir lieu dans peu de jours pour remplacer les députés au corps législatif démissionnaires pour refus de serment ou morts ; les successeurs de M. le général Cavaignac et de M. Carnot notamment sont à élire à Paris : qui s’en occupe ? Quel mouvement d’opinion se manifeste ? C’est une sorte de stagnation en tout ce qui est purement politique, — stagnation que vient favoriser ou aggraver la saison elle-même, en achevant de disperser le reste de société que l’été a pu laisser parmi nous. Et de ce calme universel, du sein de ce pays las de se mouvoir et de se heurter à tout, quel est le seul mot qui s’échappe ? C’est celui de stabilité, passant alternativement du pouvoir aux populations et des populations au pouvoir. Sans doute, parmi tout ceux qui se servent de ce mot, et qui s’en servent depuis long-temps, chacun a sa manière de le comprendre et de l’interpréter ; chacun a son système particulier de stabilité et sa recette infaillible pour le réaliser en institutions politiques ; le malheur en ceci, c’est que posséder trop de recettes peut équivaloir à n’en point avoir du tout. Il y a cependant une nature de stabilité sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est celle des principes immuables sur lesquels repose la vie sociale tout entière ; il faut croire à ces principes d’une foi ardente, ne fût-ce que pour relever et ennoblir aux yeux des peuples les épreuves qu’ils subissent. Dans tous les cas, cette aspiration universelle est une significative réponse à ceux qui font de l’agitation permanente leur idéal politique. L’agitation permanente ! C’est la route qui mène infailliblement au repos absolu. N’est-ce point là une histoire vieille comme le monde, vieille comme l’expérience humaine, et que chaque génération ne vient pas moins enrichir d’un nouveau témoignage d’orgueil et d’incurie ?

On a vu déjà que les conseils-généraux, pour leur part, ont eu à se prononcer sur cette question de stabilité politique. Un seul parait avoir exprimé la pensée que le pouvoir actuel était suffisamment fort pour garantir les libertés publiques, selon son langage. Un certain nombre ont fait simplement, acte d’adhésion et de concours au gouvernement en applaudissant à son initiative contre l’anarchie. Soixante environ, dans une mesure différente, ont émis des vœux en faveur de la stabilité et de la consolidation du pouvoir, soit entre les mains du prince Louis-Napoléon, soit d’une manière générale. Dans ce dernier nombre sont compris ceux qui ont demandé le rétablissement de l’empire en termes formels. Sur ce point, au reste, la reproduction en quelque