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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 septembre 1852.

Avez-vous pu jamais observer de près un homme dont la vie aurait été long-temps affairée, absorbée par un certain genre d’occupations et d’habitudes, livrée à toute sorte de diversions actives, et qui se trouverait tout à coup jeté à l’improviste dans le repos par une crise, une révolution, une circonstance quelconque ? Le plus difficile pour cet homme étonné est de ce rendre compte de sa situation nouvelle ; il la sent plus encore qu’il n’en a une pleine connaissance. Il flotte entre les souvenirs de son activité de la veille, et le repos du présent. Combien de fois dans le jour ne se surprend-il pas mêlant ses habitudes du passé à son existence actuelle ! Si c’était un avocat, il plaide encore involontairement en parlant ; si c’était un orateur politique, il lui semble qu’il remue toujours le monde de sa parole, et il garde le geste du tribun ; si c’était un employé, il prend le matin sans s’en douter, le chemin de son bureau, et cependant il n’a plus ni prétoire, ni tribune, ni officine administrative à occuper : la réalité pour lui, c’est l’inaction, la suspension du mouvement qui l’entraînait ; c’est le repos, le repos toujours si ardemment souhaité quand on ne l’a pas, et qui surprend, dont on est même quelquefois tenté de médire quand on l’a, coin comme pour laisser tous ses droits à l’éternelle contradiction de l’ame humaine !

N’est-ce point là un peu, à un point de vue plus général, l’image de notre situation avec ses surprises, ses élémens complexes et sa stagnation politique ? Nous sommes passés, nous aussi, de l’action tumultueuse au calme profond. Combien d’habitudes interrompues ! combien de choses mises en disponibilité, si l’on nous passe ce terme ! Parmi toutes ces choses, s’il en est à l’abri desquelles la France a vécu non sans honneur, qui ont pu laisser des traces plus durables qu’elles-mêmes, il en est aussi, à coup sûr, dont il ne coûte guère à un pays de faire un entier abandon, pour peu qu’il y soit aidé. Par exemple,