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formidables, présentera, après son achèvement complet, une nappe d’eau d’une superficie de 90 hectares. L’ancien bassin romain de Cherchell a été creusé, restauré et remis à flot, et les navires trouvent aujourd’hui un abord facile pour les échanges du commerce et un abri contre la tempête dans les dix-sept ports qui s’ouvrent sur cette côte si long-temps inhospitalière. Les places du littoral ainsi que celles qui se trouvent dans le voisinage de la mer ont été mises dans un état de défense respectable, même contre une invasion européenne. L’Algérie, entre les limites extrêmes de ses frontières, ne compte pas moins aujourd’hui de trente-trois villes fortifiées, et, dans l’enceinte de ces villes ou dans les postes les plus importans, des établissemens militaires qui peuvent recevoir à demeure quarante-six mille hommes de troupes, sur les soixante mille qui doivent composer l’effectif normal de l’armée d’occupation. De nombreux villages, des villes même, se sont comme par enchantement partout où les agrémens et la fertilité du sol, les intérêts du commerce ou ceux de la conquête appelaient des populations nouvelles, et l’on peut dire que nous avons excellé dans cette partie si importante de la colonisation. Chaque village a son église et son école ; parmi les villes, il en est sept qui possèdent, outre les hôpitaux militaires qui s’ouvrent à tout le monde, des hôpitaux civils parfaitement installés, et, à côté des hôpitaux, des dépôts où les émigrans pauvres, qui, souvent à leur arrivée, étaient obligés de recourir à la charité publique, trouvent aujourd’hui, avec une nourriture saine, un asile pour se reposer des fatigues du voyage, et d’utiles indications pour se placer soit comme travailleurs agricoles, soit comme ouvriers chez les patrons. Les bienfaits de la civilisation moderne et de la civilisation chrétienne se sont étendus d’un seul coup à la population tout entière. Nous avons adopté de la civilisation musulmane tout ce qu’elle avait d’utile, et, en même temps que nous fondions des hospices, nous bâtissions des caravansérails ; ces utiles établissemens sont échelonnés aujourd’hui d’étape en étape sur la route de Philippeville à Biskara, c’est-à-dire sur une étendue de cent lieues, et de la sorte, dans cette longue marche, les voyageurs sont assurés de trouver un asile pour chaque nuit. De plus, des salles d’asile, des services médicaux, des dispensaires, sont organisés sur un grand nombre de points. Les orphelins et les enfans recueillis et élevés par l’état reçoivent sans distinction de religion et de nationalité une éducation professionnelle. Enfin des bureaux de bienfaisance et des sociétés charitables fonctionnent dans toutes les localités de quelque importance. Les musulmans aussi bien que les chrétiens ont part à la distribution des secours, et la somme totale de ces secours pour les indigènes seuls s’élève, dans la ville d’Alger, à 100,000 francs environ par année.

L’organisation militaire, l’administration civile, le commerce et les divers services qui constituent le gouvernement d’un grand état, sont exposés en détail dans le document qui vient d’être publié, ainsi que la statistique de la justice correctionnelle et criminelle, et l’organisation administrative des indigènes. Comme c’est là le véritable bilan moral de la colonie et la mesure exacte de notre influence civilisatrice, nous nous y arrêterons de préférence. Voyons d’abord ce qui concerne la question des crimes et délits.

Aux termes de l’ordonnance du 26 septembre 1842, les tribunaux français