Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/1191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le chanvre de Chine, qui atteint de sept à huit mètres de hauteur et avec lequel on fabrique une batiste beaucoup plus fine que la nôtre, le bambou, le camphrier, le figuier à gomme, le quinquina, après de nombreuses expériences, sont également en pleine voie d’acclimatation ; le coton est définitivement naturalisé à Bone ; la culture de la cochenille, dont les profits sont de beaucoup supérieurs à ceux des cultures les plus lucratives, a été pendant sept années appliquée à un terrain d’une étendue de trois hectares, et dans cet espace de temps elle a donné, au prix moyen des mercuriales, un produit de 115,320 francs, sur lesquels il est resté un bénéfice net de 60,323 francs, soit pour trois hectares 9,475 francs par année. Afin de propager une industrie aussi féconde, le gouvernement entretient deux nopaleries, dans lesquelles on délivre aux colons de la cochenille mère et des plants de nopal, en même temps qu’on les initie aux procédés d’exploitation. Il en est de même de l’élève des vers à soie : les premiers essais furent tentés en 1845 et 1846, et en 1850 on produisait 3,382 kilogrammes de cocons première qualité. Il en est de même encore du tabac : le nombre des hectares affectés à la culture de cette plante, de 12 qu’il était en 1835, fut élevé, en 1850, à 235, et, cette même année, le produit total de la récolte était porté à 520,000 kil. Cette terre nouvelle et encore indomptée se prête mieux que la vieille terre d’Europe aux tentatives téméraires. Il semble qu’on peut tout oser avec elle. Du moment où une expérience a réussi, elle se propage par sa nouveauté même, parce que l’on n’a point à invoquer contre elle les démentis de la tradition. Ici, dans la France continentale, il faut souvent de longues années d’efforts pour faire adopter dans la pratique agricole l’innovation la plus simple ; là, il suffit d’un premier succès pour qu’une plante, une culture nouvelle se propage comme par enchantement. Ce sol vierge n’a point d’ornières, chacun s’empresse de faire ce qu’il a vu réussir, et, dans la seule année 1850, les pépinières du gouvernement ont fourni aux colons 625,776 pieds d’arbres, 305,813 végétaux herbacés et 14,403 kilogrammes de graines diverses.

Les arbres et les végétaux des zones tempérées de l’Europe ont trouvé, comme ceux des régions équinoxiales, une bienfaisante hospitalité sur le sol africain ; nos légumes ont fructifié en s’améliorant. Les céréales surtout y sont d’une venue magnifique ; la seule province de Constantine produit deux tiers de blé en plus de ce qu’elle consomme, et ce blé, admirable en qualité et en rendement, est supérieur aux plus beaux de l’Europe. Ainsi, tandis que la France enrichit l’Algérie, l’Algérie à son tour complète la France par les richesses du monde entier, en lui donnant, d’une part, des denrées telles que la garance, la soie, l’huile, dont la production, fort coûteuse et tout-à-fait insuffisante à la consommation du pays, se trouve restreinte à quelques-uns de nos départemens méridionaux, et, de l’autre, une foule de denrées pour lesquelles nous sommes tributaires de l’étranger, ou qu’il faut aller chercher à grands frais dans des colonies situées aux extrémités du monde. Des mûriers magnifiques bordent les routes de Batna et de Philippeville. Les oliviers, d’une admirable venue et de tous points supérieurs à ceux de la Provence, suffiront, on a tout lieu de l’espérer, à la consommation de la métropole, comme ils ont suffi à la consommation de l’Italie romaine, où l’huile était