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LES POETES BOHEMES


DU SEIZIEME SIECLE.




ROGER BONTEMPS.




Dans Information des langues modernes, le latin joue un rôle tyrannique ; il semble que cet amour de domination, signe caractéristique du peuple romain ; se soit conservé dans sa langue : il faut que son génie combatte encore, c’est toute sa destinée — et qu’il soit encore victorieux, Quand les cohortes romaines, les missionnaires armés de ce génie, seront abattues, le latin saisira alors les instincts des Barbares, ses ennemis victorieux ; il commencera contre eux, une guerre sourde et mystérieuse, et à son tour, après bien des siècles de combat, il courbera sous ses lois l’esprit de ses vainqueurs, — C’est après tout une remarque curieuse à faire dans l’histoire des littératures : bien des influences littéraires sont sorties de la défaite politique et se sont imposées au peuple vainqueur ; ainsi la guerre des Albigeois, c’est-à-dire le triomphe des races septentrionales sur les races méridionales, a été un rude coup porté à la littérature trouvèrent le commencement d’une puissante et désastreuse influence exercée par la littérature des troubadours. — Du reste, les traditions latines, en dehors même de cette tendance dominatrice propre au génie romain, avaient toute chance de victoire : le latin avait mis de son sang, pour ainsi dire, dans les veines des peuples néo-latins : il avait contribué à les former, il était représenté pour une part importante dans leur caractère, leurs tendances, leurs instincts moraux et littéraires, et il y exerçait une naturelle et légitime portion d’influence ; puis il imposait à ces Barbares à demi romains par la splendeur de ses ruines : c’était pour eux la race maternelle, et elle était imposante par son antique noblesse. Jusqu’à l’extension de l’art gothique, les monumens romains pesaient sur leurs idées journalières, et le droit romain, dont il restait au moins des vestiges par les coutumes, venait encore