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mais il est tenu de considérer les intérêts de l’ordre, de la paix publique, de la sécurité des consciences, intérêts dont la garde lui est confiée. La complète émancipation des cultes ne peut être que l’œuvre du temps, de l’apaisement des passions et des préjugés. Obtenir cette émancipation, tel est le but que l’église et l’état doivent poursuivre en commun.

Pour atteindre ce but, pour préparer, non le divorce, mais la séparation de l’église et de l’état, pour que chacun des deux pouvoirs reste dans le domaine qui lui appartient, il importe avant tout d’éviter de les mêler ensemble. Est-ce la préoccupation de ceux qui détendent avec le plus de vivacité les droits de la religion ? Par une contradiction étrange, s’ils veulent exclure l’état des choses de la religion, ils s’attachent avec un soin persévérant à faire intervenir la religion dans les choses de l’état. Ils appellent ses ministres à prendre une part officielle dans les affaires publiques, ils essaient d’introduire les croyances dans la législation civile et économique : alliance périlleuse, pour la religion surtout, qu’on livre aux passions politiques, qu’on jette dans la mêlée de nos tristes discordes !

Le passé fournit à cet égard des exemples qui doivent servir d’enseignement pour l’avenir. Dans la révolution, l’église catholique a payé d’odieuses et cruelles persécutions son long règne politique. Après 1830, elle fut outragée, suivant l’expression de M. de Lamennais, « pour son alliance avec le pouvoir. » Les attaques auxquelles elle fut en butte eurent le caractère de représailles politiques. « Ainsi le palais archi-épiscopal de Paris fut saccagé parce qu’on avait cru voir dans un des derniers mandemens de l’archevêque des allusions aux coups d’état. Ainsi l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois fut dévastée parce qu’après un service pour l’ame du duc de Berry, un jeune homme imprudent suspendit au catafalque l’image du duc de Bordeaux. Ainsi les croix de missions plantées dans les derniers temps furent abattues parce qu’elles portaient aux extrémités des fleurs de lis, et que les missionnaires avaient mêlé souvent à leurs prédications des objets de pure politique, tandis que la croix ancienne, la croix sans emblèmes étrangers, ne fut l’objet d’aucune insulte. Partout où l’on ne trouva que la religion, la religion fut respectée[1]. » Ce qui s’est passé après la révolution de février achève de démontrer tout ce que la religion gagne à demeurer étrangère à la politique. Pendant le règne qui venait de s’accomplir, tout en obtenant les respects, les égards, les faveurs qui lui sont dus, elle n’était point sortie du sanctuaire. Non-seulement elle ne fut en butte à aucun outrage, mais ses ministres recueillirent des hommages populaires. Puissent ces souvenirs ne point s’effacer, ni ces enseignemens se perdre !


VIVIEN.

  1. Lamennais, t. VIII, p. 52.