Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/1105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tandis qu’en 1789, dès les premiers jour de la révolution, les protestans avaient été appelés à l’égalité des droits deux ans plus tard les Israélites demeuraient encore en dehors du nouveau régime ; mais le principe de la constitution finit par triompher de ces répugnances et le décret du 27 septembre 1791 fit entrer les Juifs dans la grande famille française.

Le même retard suspendit leur organisation religieuse. Portalis s’exprimait à leur égard dans les termes suivans, en présentant au corps législatif les lois organiques des cultes : « En s’occupant de l’organisation des divers cultes, le gouvernement n’a point perdu de vue la religion juive. Elle doit participer comme les autres à la liberté décrétée par nos lois ; mais les Juifs forment bien moins une religion qu’un peuple : ils existent chez toutes les nations sans se confondre avec elles. Le gouvernement a cru devoir respecter l’éternité de ce peuple, qui est parvenu jusqu’à nous à travers les révolutions et les débris des siècles, et qui, pour tout ce qui concerne son sacerdoce et son culte, regarde comme un de ses plus grands privilèges de n’avoir d’autres règlemens que ceux sous lesquels il a toujours vécu, parce qu’il regarde comme un de ses grands privilèges de n’avoir que Dieux même pour législateur. »

Cette explication, dont on pouvait contester et la justesse et l’esprit politique, semblait plutôt destinée à faire accepter l’ajournement de l’organisation du culte israélite qu’à en démontrer l’impossibilité. Cette lacune dans la législation religieuse n’était pas sans de graves inconvéniens. Dans les anciennes provinces de la France et dans celles que la conquête avait ajoutées à son territoire, se trouvait une population israélite influente par sa richesse, par l’activité, plus encore que par le nombre, et qu’un pouvoir habile devait tendre à s’attacher. La frapper d’une sorte d’ostracisme à l’intérieur était aussi injuste qu’imprudent. Une occasion se présenta de mettre un terme à ce régime d’exception, et l’empereur la saisit avec empressement. Les israélites avaient soulevé dans l’ancienne Lorraine et dans l’ancienne Alsace des plaintes qui menaçant la tranquillité publique exigeaient un remède aussi immédiat qu’énergique : En même temps que, par une mesure dont la nécessité pouvait seule couvrir l’illégalité Napoléon suspendait l’exécution, dans sept départemens, des titres de créance des Juifs, il convoqua à Paris, pour délibérer sur leurs intérêts, tous les hommes considérables de cette religion.

Cent treize notables juifs, choisis parmi les rabbins, les propriétaires,